Les prix littéraires valent de l'or, cette année. Après l'attendu et incontournable Goncourt pour "Au revoir là-haut", de Pierre Lemaitre, puis le pétillant Renaudot pour cet élection libre de Yann Moix, c'est la romancière (et également chanteuse) native du Cameroun Léonora Miano qui décroche le Fémina avec sa "Saison de l'ombre" aussi envoûtante qu'une prière.

 

On ne va pas en rajouter beaucoup plus que ce qu'a écrit ma voisine bloggeuse Laure Albernhe avec cette douceur et cette intelligence du regard qui lui sont coutumières. Dans "La Saison de l'ombre", effectivement, l'horreur est captée dans son aurore. On n'avait encore jamais abordé sous cet angle la traite négrière. On n'avait encore jamais écrit sur la situation de ces communautés AVANT qu'elles ne soient embarquées dans les bateaux de la honte. On n'avait jamais été si clair, également, sur le rôle de certains Africains qui se sont faits les complices des "hommes à pied de poule" puisque c'est ainsi que sont surnommés les Blancs au fil de ces pages où l'écriture se faufile dans l'énigme, l'affleurement et la suggestion.

 

Trois femmes puissantes que n'aurait pas reniées Marie Ndiaye vont ainsi de douleurs en assomptions. Elles ont pour prénoms Eyabe, qui veut dire naissance, Ebeise, qui signifie cuisson, et Ebusi, qui se rapporte à la notion de revenant. Entre poésie et mythologie, elles incarnent la mémoire subsaharienne... Une mémoire dont on apprend, à la fin du roman, qu'elle doit énormément au travail de Lucie-Mami Noor Nkaké, décédée en 2006 après avoir réalisé pour l'UNESCO, dix ans auparavant, un rapport intitulé "La Mémoire de la capture". Lucie signifie Lumière. C'était la maman de la chanteuse Sandra Nkaké, révélation de l'année aux Victoires du Jazz 2012. Léonora Miano viendra très prochainement à la radio nous parler de "La Saison de l'ombre". Elle y sera accueillie à bras ouverts.