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Trois femmes puissantes

Le mercredi 16 septembre 2009, par Laurent Sapir

Trois femmes, trois combattantes, trois récits emboîtés entre eux sans en avoir l'air. Au sommet de son art, Marie Ndiaye déploie ses ailes. Elle se métamorphose en buse pour pourchasser les mauvais maris; s' entoure de corbeaux criards quand il s'agit d'évoquer l'exode  désespéré des clandestins africains. Et lorsqu'elle fait son nid, c'est à la hauteur d'un flamboyant jaune,  cet arbre tropical aux fleurs pourrissantes où viennent se nicher, parfois, les pères ingrats.

Marie Ndiaye déploie ses ailes, et de son ciel à elle, effectivement, la typologie du roman linéaire à la française n'est plus qu'un minuscule point au ras du sol... C'est en refusant, justement, le cliché choral qui condenserait en un seul bloc narratif les destins de ses trois héroïnes que l'auteur de "Rosie Carpe " trouve son rythme, laissant par la même occasion au lecteur le soin de remplir les pointillés entre les mondes de Norah, Fanta et Khady.

Trois femmes puissantes, donc... Trois variations sur un même thème, celui d'une résistance obstinée au féminin pluriel face à l'exil, la déchéance et la faiblesse des hommes... Puissance de Norah, cette avocate prête à défendre son frère accusé de meurtre, à Dakar, même si pour cela il faut de nouveau affronter la morgue d'un père odieux et probablement assassin... Puissance de Fanta, cette énigmatique épouse aux "chevilles ailées " dont le lecteur ne devine la force intérieure qu'à travers le délire et la pleutrerie de son époux, un Blanc revenu d'Afrique avec là encore le souvenir obsédant d'un père criminel... Puissance de Khadi, enfin, dont on apprend incidemment qu'elle a une cousine en France qui s'appelle Fanta... Khadi Demba, qui tient vraiment à son nom... jusqu'au bout... Jusqu'aux barbelés érigés par l'Europe pour tenter de stopper la transhumance subsaharienne.

Marie Ndiaye tisse des lianes avec ses virgules, ses tournures ondoyantes, ses images foisonnantes... Elle écrit en spirale, dans le registre de l'étrangeté et du dévoilement. Ses personnages y gagnent en mystère, en épaisseur, en vérité... Et tout cela évidemment sans jamais buter sur le moindre pathos... Il y avait naguère une femme écrivain qui réunissait tous ces talents. Elle s'appelait  Marguerite Duras.

Trois femmes puissantes, de Marie Ndiaye (Editions Gallimard) Coup de projecteur avec l'auteur ce jeudi 17 septembre à 8h30, 11h30 et 16h30

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