Deux pianos

Arnaud Desplechin à nouveau dans l'impasse. Égarant François Civil dans un rôle qui ne lui sied guère, le réalisateur signe un concerto poussif autour d'un pianiste de retour dans sa ville natale.
Tirez sur le pianiste ? On s'en voudrait, bien sûr, surtout chez un cinéaste qui aime tant François Truffaut. Sauf que rien ne va dans ce personnage de musicien incarné par François Civil. On a connu le comédien plus libre dans son jeu et moins dissonant au regard d'un univers -celui d'Arnaud Desplechin- qui semble le gêner plus qu'autre chose. Qu'est-il allé faire dans cette sombre galère lyonnaise qui le voit tomber par hasard sur un amour de jeunesse après un long séjour à l'étranger ?
Le voilà pris entre plusieurs feux : l'ex-amante soudainement transformée en jeune veuve, son fils d'abord fantomatique dont il découvre qu'il est le géniteur, l'ancienne professeure qui aimerait bien que son ex-élève préféré rempile à ses côtés pour une série de concerts... C'est Charlotte Rampling qui donne chair à ce personnage en fin de parcours. Non sans embarras, surtout quand elle assène à François Civil : « Droit dans le fugato ! », parce que l'autre, paraît-il, donne trop dans le "rubato"... Oscillant entre le ridicule et l'ennui, le récit n'est guère relevé par la partition, toujours aussi peu retenue, de Nadia Tereszkiewicz qui joue l'ancienne amoureuse.
Non, rien ne va... Clichés en rafale (l’artiste ténébreux hanté par le passé, la mentor déclinante), académisme désuet, séquences préfabriquées avec le gamin, caméra prise d'une bougeotte irrépressible, jusqu'à dévitaliser paradoxalement la mise en scène... Autant de raisons qui nous font penser qu'après d'autres mésaventures du même ordre, Desplechin ne parvient plus à filmer le milieu social qui l'a tant nourri. Ses échappées chez les Indiens (Jimmy P.) et chez les prolos (Roubaix, une lumière) avaient autrement plus d'envergure. On a aussi en mémoire sa touchante confession cinéphile en début d'année (Spectateurs !), mais sur le clavier déprimant et non tempéré de ce nouvel opus, celui qui faisait autrefois la fierté du cinéma français n'orchestre plus que des moulinets dans le vide.
Deux pianos, Arnaud Desplechin (en salles depuis ce mercredi 15 octobre)