Jeudi 2 octobre 2025 par Laurent Sapir

Un simple accident

Palme d'or de complaisance, "Un simple accident", de Jafar Panahi, représentera la France à l'Oscar du meilleur film international, comme si le courage de son réalisateur devait masquer la faiblesse de sa proposition.

 

Retour sur une humiliation. Alors même qu'il dominait la compétition cannoise l'an passé, Mohammad Rasoulof n'avait récolté avec Les graines du figuier sauvage qu'un désobligeant "prix spécial" du jury, créé pour l'occasion. Sur le plateau de l'émission Le Cercle (Canal +), le critique Philippe Rouyer explosait : "On crée ce prix spécial qui, on l'a bien compris, est un prix politique, ce qui veut dire que ce jury n'a trouvé aucune qualité cinématographique au film. Il donne sept prix, et il n'y en a pas un qui conviendrait à ce chef d'œuvre absolu ? C'est dingue, et c'est offensant pour ce réalisateur que de lui dire : 'on te donne un prix parce que t'es venu à pied d'Iran et que t'as bravé les mollahs'. Et la mise en scène, alors ? On est dans un festival de cinéma, pas dans un festival de la citoyenneté ! " Autant dire que la palme d'or donnée un an plus tard à un autre cinéaste iranien ressemblait fort à une session de rattrapage. Sauf qu'il n'y a pas photo entre le figuier dantesque de Rasoulof et la proposition un peu trop "cheap" de Panahi

Cinéaste inégal mais capable de fulgurances (le lumineux et poétique Trois visages), Jafar Panahi en impose par ses combats et le sourire si résilient qu'il oppose à un régime qui l'a maintes fois broyé. Son nouveau film, en revanche, manque de souffle et de souplesse. Pensant reconnaître dans un père de famille le gardien à la jambe de bois qui l'a torturé jadis alors qu'il avait les yeux bandés, un garagiste l'enlève, le jette dans le coffre de sa camionnette et l'emmène dans le désert avec l'intention de l'enterrer vivant. Sauf que le kidnappeur se met à douter... Face aux dénégations de l'homme qui jure n'avoir jamais sévi comme geôlier, il réunit d'autres anciennes victimes pour décider de la marche à suivre...

Le récit prend alors une étrange tournure, pas très loin de l'esprit comédie italienne, surtout lorsque ces pieds nickelés de la vengeance commettent une série de maladresses. L'ensemble apparaît pourtant bien léger, surtout au niveau des dialogues. Les discussions sur l'opportunité ou non de régler son compte avec un salaud au risque de s'avilir soi-même ne dépassent pas le niveau d'une terminale de philo, même si des comédiens mieux dirigés (des non-professionnels pour beaucoup d'entre eux...) auraient peut-être davantage limité la casse. Difficile également de discerner une éthique de mise en scène dans ces plans complaisants d'un homme attaché à un arbre qui hurle. Au final, le film ne transcende jamais la machinerie qui lui sert d'échafaudage. 

Un simple accident, Jafar Panahi, co-produit par la France, palme d'or au Festival de Cannes, en salles depuis hier.