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Tromperie

Le mercredi 22 décembre 2021, par Laurent Sapir
Adapté d'un récit méconnu de Philip Roth, "Tromperie" permet surtout à Arnaud Desplechin de renouer avec un cinéma de l'entre-soi.

Heureux qui comme Arnaud Desplechin adapte son auteur favori. En se glissant dans les mots de Philip Roth au travers d'un récit autobiographique méconnu, le réalisateur de Un Conte de Noël semble d'abord avoir eu envie de renouer avec ses fondamentaux: verve littéraire, mise en scène sophistiquée, thématiques autocentrées... De quoi remettre une sacrée distance avec des échappées autrement plus vibrantes, qu'elles aient eu pour cadre l'Amérique des plaines (Jimmy P.) ou alors les bas-fonds du nord de la France (Roubaix, une lumière).

Retour aux vieux tropismes, donc, sous couvert d'un exercice de style ultra-théâtralisé. Un écrivain américain exilé à Londres reçoit sa maîtresse anglaise dans son bureau transformé en garçonnière. Entre deux ébats, la conversation tourne autour du pouvoir des mots, des méandres de la séduction. Il est aussi question du judaïsme, l'écrivain en question ayant l'impression que tous les Britanniques sont des antisémites nés. Surtout ceux qui critiquent Israël. C'est Denis Podalydès qui campe ce Don Juan plus goguenard que pervers. Avec Podalydès, de toute façon, la perversité, on n'y aurait pas cru.

Léa Seydoux met plus d'allant dans le rôle de l'amante sauf que là encore, l'émotion manque à l'appel. Le metteur en scène s'occupe trop des lumières, des cadrages, de la fluidité composée de ses mouvements de caméra dans les intérieurs qu'il s'est imposés. D'autres femmes comme autant de conquêtes s'incrustent dans différents chapitres: Emmanuelle Devos dans la peau d'une ex-amoureuse plus ou moins mourante, Anouk Grinberg en épouse jalouse... Il y a aussi cette étudiante aussi craquante que torturée. Le cliché est édifiant, mais Rebecca Marder lui offre toute l'intensité requise.

De fait, la désuétude de l'entreprise saute rapidement aux yeux. Le Philip Roth que Desplechin adapte est aussi déplaisant que le personnage principal, la scène où l'écrivain est jugé par une nuée de militantes pré-MeToo frise le ridicule, et l'humour fin est aux abonnés absents. On est ici dans un cinéma de l'entre-soi, sans aspérités. Le raffinement, comme l'ennui, y creuse tranquillement son sillon, dans le vase clos d'une écriture nimbée de vanités.

Tromperie, Arnaud Desplechin (Sortie en salles le 29 décembre)

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