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Vive le FJ5C... et merci Marseille !

Le lundi 22 juillet 2013, par Laurent Sapir

Marseille ou la dolce vita. On y sert de délicieuses cailles et des musiques qui croustillent dans les jardins du Palais Longchamp, deux soirs durant, à l'invitation du FJ5C, le festival Jazz des Cinq Continents. Plus bas dans la ville, le Vieux Port s'est refait une tenue d'été. Les touristes n'y ont jamais été aussi nombreux. Ils affluent sur la haute passerelle qui relie le Fort Saint Jean au MuCEM, le nouveau musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée dont "Marseille, capitale européenne de la Culture" nous a fait cadeau le mois dernier.

Mais le vrai bonheur, pour les aficionados de la note bleue qui s'écoute sur l'herbe ou se déguste à table au milieu des arbres, c'est ce FJ5C qui a réussi à grandir tout en restant à taille humaine. 5000 spectateurs au départ, il y a 13 ans. Plus de 30 000 aujourd'hui. Le budget, lui, est passé de 350 000 à plus de 2 millions d'euros auxquels la ville de Marseille contribue à plus de 40% ce qui permet, au passage, d'avoir des tarifs de concert également à taille humaine.

Quant à la programmation, elle est à la démesure du fondateur du festival, Roger Luccioni, incontournable cador du swing phocéen. Il voulait du vrai jazz dans son festival, mais aussi du métissé, du latin, du méditerranéen, du jazz voisinant ailleurs, de l'ailleurs cousinant avec le jazz. D'où Wayne Shorter, Diana Krall, Archie Shepp et George Benson en clôture, mais aussi Gilberto Gil et Nile Rodgers. Et puis aussi Chucho Valdes, ce sorcier du clavier qui fait souffler les esprits de la Santeria (le vaudou cubain) tout en multipliant, dans le même morceau, les emprunts à Maurice Ravel, Chopin et Rachmaninov.

Délié fabuleux, riffs de folie... Le pianiste nous emmène en voyage et, contrairement à ce qu'on a pu lire ici ou là à-propos d'autres concerts, il ne se fait pas avaler par son orchestre. Mais peut-être est-ce le travail de sonorisation du côté de la régie qui permet ainsi d'éviter quelques overdoses de décibels de la part de tel ou tel instrumentiste. La 2e partie du concert est plus dans l'esprit des Jazz Messengers dont Chucho Valdes caraïbise l'héritage avec volupté. On passe rapidement sur les vocalises un peu criardes et "exogènes" (pour reprendre un terme de la volubile Fara C., plume jazz toujours vaillante et inspirée de "L'Humanité") pour ne se concentrer que sur le son de trompette du d'ores et déjà légendaire Roy Hargrove . Phrasé gorgé de justesse et d'émotion. Oiseau de nuit tout de blanc vêtu. Le Jazz dans sa suprême majuscule.

On restera moins convaincu par la prestation de Nile Rodgers et de son célèbre groupe disco, Chic... Sans doute parce qu'on aurait aimé des arrangements plus novateurs pour enrober les vieux tubes dont il a été l'inspirateur ("Let's Dance" de Bowie, "Like a Virgin" de Madonna, "Upside Down", de Diana Ross...) ainsi que des chanteuses un peu plus à la hauteur. Et puis, disons-le, les tubes en question se sont inscrits dans notre mémoire mais pas dans notre imaginaire (Bowie a tellement fait mieux par ailleurs), ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Si encore l'ex-enfant du jazz reconverti en activiste de la scène funk et disco avait interprété son tout dernier exploit en date offert clé en main aux Daft Punk ! Mais non... Sur ce coup là, on n'a vraiment pas été "Get Lucky"

Gilberto Gil, pour finir... Et pas forcément en musique. Oh, certes, on pourrait épiloguer longtemps sur l'ex-ministre de la Culture à nouveau au top de sa forme sur scène comme si ça lui avait manqué à mort d'être ministre et plus musicien. On pourrait trouver qu'il est un FJ5C à lui seul lorsqu'il adapte une chanson de Bob Marley en portugais. On pourrait le créditer d'être fort bien entouré, surtout en ce qui concerne Nicolas Krassik, violoniste français du genre épatant basé à Rio. Il n'empêche que là où le chanteur-citoyen se montre le plus impérial, c'est face aux sifflets de certains dans le public alors qu'il reçoit la médaille de la ville de Marseille et que le nom du sénateur-maire est cité... Le voilà alors qui rappelle Marseille à son destin, celui d'une ville trop importante (frondeuse, également...) aux yeux du monde pour ne pas se montrer à la hauteur en certaines occasions. Gilberto Gil enchaine sur la République, La Res Publica, comme il dit, la Nation.. "L'Etat ce n’est pas une individualité, l’Etat c’est vous tous"... Est-ce seulement l'ancien ministre qui parle ou aussi l'artiste qui a vécu la dictature ? La grande classe, vraiment.

Festival Jazz des Cinq Continents, Marseille, du 17 au 27 juillet.

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