Resurrection
En 2h40, "Resurrection" du Chinois Bi Gan, traverse les genres – muet, polar, film de vampires… – et condense à sa manière l’histoire du cinéma. Écriture sophistiquée, fantasmatique, mais dont la cohérence nous échappe. Un magistral plan-séquence fait à lui seul accepter l’envoûtement.
Résumer l’ovni signé par Bi Gan – envoûtant pour les uns, fumeux pour d’autres – n’a rien d’évident. Même un détour par la version américaine de Wikipédia, habituellement si utile pour éclaircir les intrigues alambiquées, n'ajoute ici que du brouillard. Reste l'art de la composition en six blocs successifs, comme autant de réalités flottantes. Dans le premier, proche du cinéma muet expressionniste et du théâtre d’ombres, une femme erre dans une fumerie d’opium avant d’être rejointe par un homme digne d’un roman de Murakami : un voleur de rêves, un « rêvoleur », qui s'est fait implanter un projecteur dans les entrailles.
L’odyssée prend ensuite la forme d’un survol ésotérique du 7ᵉ art. Propulsé dans les années 1940-1950, notre "rêvoleur" traverse un polar en clair-obscur tout en effets de miroir, jusqu’à ce que l'un d'eux se brise comme dans La Dame de Shanghai d’Orson Welles. Les troisième et quatrième actes sont plus sobres en tours de passe-passe visuels, malgré un étonnant tour de magie que le "rêvoleur" enseigne à une fillette. Détour par le cinéma forain ?
Puis vient le chapitre qui balaye nos réserves. Le film s’arrime à la nuit du 31 décembre 1999, pour un plan-séquence étourdissant, rouge et noir, où un jeune couple se découvre sous la pluie dans une ville tenue par les gangs. Au petit matin, la rêverie se prolonge sur un bateau avant de basculer : la jeune femme est un vampire. Pauvre "rêvoleur"… Difficile de raccorder ce segment à ce qui précède ou à ce qui suit — mais qu’importe. Resurrection déploie alors les ors d’une cathédrale cinématographique, somptueuse et mouvante, dont on peine cependant à saisir la charpente comme l'architecture interne.
Resurrection, Bi Gan, Prix spécial au dernier Festival de Cannes. Sortie en salles ce mercredi 10 décembre.