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AS LONG AS I LIVE
BENNY GOODMAN / CHARLIE CHRISTIAN

Un jazz sans festivals ?

Le mercredi 22 avril 2020, par Laurent Sapir
L'annulation de plusieurs festivals de jazz suite au Covid-19 remue des souvenirs, aussi bien d'ordre historique que personnel, sur l'apport de ce type d'événement à l'odyssée de la note bleue.

Newport, 7 juillet 1956. L'orchestre de Duke Ellington n'est pas mort et il le prouve en beauté avec l'un des plus grands enregistrements live de tous les temps. Point d'orgue du concert, le légendaire solo du saxophoniste Paul Gonsalves qui, sur le medley "Diminuendo In Blue/Creshendo in Blue", va enchaîner 27 chorus d'affilée !

Antibes, 29 juillet 1964. C'est énorme, ce que fait ce soir-là Ella Fitzgerald ! Alors que sa chanson Mack the Knife est perturbée par le chant des cigales, la diva se met à improviser sur le rythme proposé par les bruyants insectes. Sur le disque live, le passage sera intitulé The Cricket Song.

Deux dates parmi d'autres, mais on pourrait en rajouter bien d'autres. De la présentation par Coltrane, toujours à Antibes, de sa pièce maîtresse, A Love Supreme, jusqu'à l'inauguration en 1973 du Nancy Jazz Pulsations par Sun Ra déambulant avec son Arkestra place Stanislas, en passant par la légende Michel Portal à Chateauvallon en 1972, bien des festivals ont concouru à la légende du jazz.

Tant d'autres souvenirs encore, mais ceux-là sont d'abord ancrés dans mon ADN. Le marathon John Zorn à Montréal en 2010, reprenant dans toutes ses largeurs et ses couleurs le songbook de Masada avant de se faire huer le lendemain lors d'une prestation surréaliste aux côtés de Lou Reed et Laurie Anderson... Le jeu de trompette et la classe incroyable -et bouleversante, après coup- de Roy Hargrove lors du concert de Chucho Valdès au Marseille Jazz des Cinq Continents en 2013... Sa même élégance destroy quelques mois plus tard au Winter JazzFest de New-York...

Et puis aussi cette dinguerie absolue du North Sea Jazz Festival un an plus tard à Rotterdam. On gravitait dans un genre de supermarché du jazz avec escalators et grandes allées moquettées façon séminaire. 150 concerts en trois jours. Une quinzaine de salles au total. On ouvrait une porte, et on se retrouvait avec Christian McBride dans une ambiance hyper intimiste. On ouvrait une autre porte, et là, il y avait 12 000 personnes pour applaudir Stevie Wonder

Comment oublier également Yusef Lateef faisant sa sieste sous une tente du Usabda Jazz de Moscou en 2008, ou encore l'exultant Rayado du duo Olivier Sens/Juanjo Mosalini au Reims Jazz Festival de l'automne 2013 ? Je me souviens, enfin, d'un festival annulé, déjà... Je n'étais pas à Nice en juillet 2016 mais l'ombre tragique de l'attentat infâme planait non loin de là, à Sète. Et pour ne rien gâter, le festival avait aussi dû renoncer à une soirée French Quarter parce que deux de ses protagonistes, Thomas Enhco et Vincent Peirani, étaient restés bloqués en Turquie suite à un putsch manqué. Sylvain Luc, lui, était là. Il nous avait alors offert avec Luis Salinas un duo de guitares latines en concert privé, dans un hôtel de la ville. Aucune "breaking news", alors, et encore moins un satané virus n'étaient venus nous gâcher la fin de soirée.

Avril 2020. Plusieurs festivals de jazz annulés suite à la pandémie de COVID-19.

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