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THE SONG IS ENDED
GERRY MULLIGAN

Se trouver

Le mardi 13 mars 2012, par Laurent Sapir

Avant d'évoquer l'actrice, quelques mots sur le metteur en scène. Car c'est d'abord Stanislas Nordey qui parvient à "se trouver" ou plutôt à se retrouver, en adaptant à la Colline la dernière pièce de Luigi Pirandello. Sans rien concéder au niveau du style (avec notamment le fameux dispositif des acteurs face au public), l'ancien patron du théâtre Gérard-Philipe de St-Denis donne réellement corps à son ouvrage, privilégiant un mouvement et une dynamique qui contrastent singulièrement avec ce qu'on avait vu il y a deux ans au même endroit lorsque Nordey avait congelé "Les Justes", d'Albert Camus, dans une solennité où seule Emmanuelle Béart -déjà au rendez-vous- parvenait à fendre l'armure.

La revoilà donc, la belle Emmanuelle, dans la peau de Donata Genzi, actrice de théâtre à la fois épanouie sur scène et frustrée dans la vie. Donata se cherche comme femme, au-delà des personnages qu'elle incarne. La rencontre avec un peintre taciturne et allergique à l'art d'Hamlet lui ouvre de nouveaux horizons, mais la romance fait long feu. La diva mise à nu doit dés lors affronter, une nouvelle fois, ce miroir qu'elle a tenté de fuir avant de conclure, à la fois fataliste et conquérante, "Rien n'est vrai... Seul est vrai qu'il faut se créer, créer ! Et alors seulement on se trouve"...

La façon dont Emmanuelle Béart prononce cette ultime phrase, dans un demi-sourire espiègle et dénué de toute emphase, emporte définitivement l'adhésion. On n'est pas certain, en même temps, d'avoir apprécié toutes les facettes de son jeu parfois aux limites de la sensiblerie. La nuisette du 2eme acte n'est pas non plus du meilleur effet. Tout d'un bloc, Vincent Dissez, qui joue le rôle du peintre, parvient même à éclipser à certains moments l'aura de la comédienne. Quel beau pari, en revanche, que de la voir sublimer son statut de star en jouant complètement dans un registre d'anti-star.

Sur la scène de la Colline, Emmanuelle Béart est d'abord un animal blessé, égaré, consumé dans ses propres vertiges... C'est dans l'introverti qu'elle touche à l'incandescence. Pieds nus, elle s'abstrait de tout ce dont sa notoriété pourrait l'encombrer pour redevenir "une enfant de troupe", comme l'a si joliment écrit notre consoeur du Figaro, Armelle Héliot. C'est de cette manière que cette magnifique comédienne finit par se trouver.

"Se trouver", mis en scène par Stanislas Nordey, au théâtre de la Colline à Paris (Jusqu'au 14 avril)

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