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Les Justes

Le dimanche 21 mars 2010, par Laurent Sapir

"Les justes" est une pièce d'adolescence. Elle convient donc fort bien à priori à cet art de la fougue qui caractérise depuis des années le théâtre de Stanislas Nordey...

De la prose de Camus, très fortement ancrée à l'époque dans les antagonismes de la Guerre froide, il retient surtout les tourments de ceux qui n'ont pas " pas pu guérir  de leur coeur"... Des tourments que les personnages déploient face au public, bras devants, étoiles vacillantes dans la pénombre qui envahit le plateau... Nous sommes dans la Russie pré-révolutionnaire... Quatre hommes et une femme préparent un attentat. Mais on ne s'improvise pas terroriste, et lorsque Kaliayev, le poète de la bande, aperçoit dans la calèche les neveux du Grand Duc qu'il doit tuer en jetant une bombe, il suspend son geste... "La terreur ne convient pas aux délicats", dira Stepan, l'autre allumé du groupe, tandis que la seule femme parmi eux, Dora, oscille entre l'intransigeance révolutionnaire et les vérités du coeur.

On palpitait naguère pour les élans de ces jeunes idéalistes... Maintenant qu'on n'est plus en classe de première, on se surprend à leur dénicher quelques rides...Il est vrai qu'à la même époque, Sartre écrit "Les Mains Sales" et propose, sur une thématique similaire, quelque chose de beaucoup plus vivant, de beaucoup plus complexe, de beaucoup plus adulte... Il n'est pas sûr que Stanislas Nordey aide Camus à reprendre l'avantage. Il en transmet les vibrations, certes, et son pari scénographique, volontairement dépouillé, traduit parfaitement l'austérité et les sombres horizons dans lesquels étaient plongés les jeunes révolutionnaires imaginés par Camus.

Il est dommage, en revanche, d'avoir cantonné les interprètes masculins dans le registre de la déclamation, un peu au garde-à-vous... C'est surtout le metteur en scène-acteur Wadji Mouawad qui, dans le rôle de Stepan, force le plus le trait, comme d'ailleurs dans ses propres pièces... On aurait aimé un jeu plus naturel, moins hiératique, un peu comme dans le 4ème acte où de nouveaux personnages donnent à la pièce une autre tournure... Dans le rôle de Dora, Emmanuelle Béart semble elle-même éprouver les limites du dispositif... Un peu corsetée dans la première partie du spectacle, elle fend l'armure, peu à peu, trouvant au final les accents d'une tragédienne moderne qui réussit un magistral retour sur scène après des années d'absence...

Les Justes, mis en scène par Stanislas Nordey, au théâtre de la Colline jusqu'au 23 avril

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