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DON'T STOP TILL YOU GET ENOUGH
ANTHONY STRONG

Oncle Vania (à Nanterre)

Le vendredi 23 mars 2012, par Laurent Sapir

Il est dans l'aigreur, Vania. La colère le gagne peu à peu. "Il n'y a rien de neuf?", lui demande Astrov, le médecin-ami de la famille. "Rien. Tout est vieux. Je suis toujours le même, pire peut-être à force de paresse. Je ne fais rien, à part grogner comme un vieux barbon". Vania, c'est Gilles Privat, la plus belle prise d'Alain Françon dans ses retrouvailles (pour la 7eme fois !) avec l'indispensable Anton Tchekhov.

Ce visage ne nous est pas inconnu. Dans "Romuald et Juliette", merveille des merveilles signée Coline Serreau, le comédien genevois aux yeux tristes et à l'allure faussement indolente cocufiait Daniel Auteuil sans crier gare. Le voici donc à présent dans la peau d'Oncle Vania. D'abord ours mal léché, puis matamore avant de tomber, tel un pantin désarticulé, dans cette mélancolie de la résignation avec laquelle Tchekhov parvient toujours à réchauffer le coeur des mal-aimés.

Ce Vania-là est toutefois moins triste que le Vania auquel on s'était habitué... Alain Françon lui-même paraît en rupture avec la tonalité dépressive et clinique de ses précédentes adaptations. Il nous la joue désormais "austère qui se marre" avec brio, énergie et peut-être aussi quelques excès vaudevillesques qui peuvent dérouter. On est à nouveau conquis, en revanche, par la maîtrise de l'espace scénique dont l'ancien patron du théâtre de la Colline reste un véritable orfèvre.

D'innombrables séquences font ainsi  penser à des tableaux vivants à l'image des toiles peintes qui constituent le coeur de la scénographie. Quelques mots, enfin, sur le très beau contrepoint à la rage de Vania que fournit la comédienne qui joue Eléna, la jeune épouse  du professeur Serebriakov qui enflamme bien des coeurs...  Alors que le Astrov d'Eric Caruso est un peu en deça de ce que l'on pouvait attendre, Marie Vialle donne à  ressentir une finesse, une inquiétude et une simplicité dans son jeu qui contrastent singulièrement avec le côté vamp envoûtante qu'on a déjà vu par ailleurs... Là encore, on peut parler d'une très belle prise -cette fois-ci dans tous les sens du terme- de ce cher Alain Françon.

"Oncle Vania", de Tchekhov, mis en scène par Alain Françon au théâtre des Amandiers de Nanterre (jusqu'au 14 avril). Coup de projecteur avec Gilles Privat le mardi 27 mars, sur TsfJazz, à 7h30, 11h30 et 16h30.

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