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KEITH JARRETT

Oncle Vania (celui de la Bastille)

Le mercredi 11 mars 2009, par Laurent Sapir

On n'a pas été voir l'Oncle Vania de Philippe Torreton aux Bouffes du Nord. Il paraît que c'est un peu plan-plan et boulevardier, voire même  cucul-la-praline dans le genre samovar et vieilles servantes russes. De quoi fuir à grandes enjambées lorsqu'on n'a pas le courage d'aller vérifier la chose sur place. Pour un Vania de proximité , surtout lorsqu'on part des studios de TSFJAZZ, rien de mieux que le théâtre de la Bastille. Quelques centaines de mètres suffisent, et on se retrouve de plain-pied dans une version singulièrement plus contemporaine de la célèbre pièce de Tchekhov.

On dirait presque que le texte, tel qu'il est joué, tel qu'il est vécu et porté par les comédiens, a été écrit il y a seulement quelques mois. Les personnages ont été rajeunis, dans tous les sens du terme. Rassemblés au 2ème acte autour d'une grande table illuminée par de simples bougies, ils réveillent en Tchekhov l'impossible sommeil des âmes, les coeurs défaits au bout de la nuit, le désir qui monte jusqu'à l'insomnie... Ce théâtre à mains nues où les comédiens parlent doucement et naturellement, comme on parle dans la vie, c' est la marque de fabrique, on le sait, de la compagnie des Possédés , qui nous avait déjà tant ému en adaptant deux pièces de Jean-Luc Lagarce, Le Pays Lointain et Derniers remords avant l'oubli.

On les retrouve toujours en pointe, encore plus près du public, notamment grâce à un dispositif trifrontal qui dissipe toutes les frontières avec le plateau. On n'est plus au théâtre, on est CHEZ Tchekhov, dans sa maison... un Tchekhov sans pathos, un Tchekhov de rage, de poussière, de fatigues, de douleurs toujours rentrées, à l'image du magnifique David Clavel qui campe tout en pulsions et en impulsions un Vania perpétuellement instable, parfois violent, avant de se "retourner comme une crêpe" dans la dernière scène de la pièce...

Voilà, c'est ça, le Vania des Possédés: du Tchekhov retourné comme une crêpe, servi bien chaud, bien brûlant... Une vraie Chandeleur, brut de décoffrage, un tas de blinis éparpillés en sentiments agonisants auxquels seront évidemment insensibles les ventres repus et les préjugés claniques d'une certaine critique hexagonale, alors même que les Possédés sont définitivement au coeur de ce qui se fait de plus charnel et  de plus à vif dans le théâtre contemporain.

Oncle Vania, par la Compagnie des Possédés, au théâtre de la Bastille, jusqu'au 23 mars. Coup de projecteur avec David Clavel le jeudi 12 mars, sur TSF , à 8h30, 11h30 et 16h30.

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Oncle Vania

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