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La vérité sur l'Affaire Harry Quebert

Le samedi 20 octobre 2012, par Laurent Sapir

Mais qui était cette Nora Kellergan qui a mis le feu à la si tranquille et balnéaire localité d'Aurora, au coeur de la Nouvelle-Angleterre, avant d'être assassinée le 30 août 1975 ? Une jeune fille radieuse assoiffée d'amour et d'eau fraiche ? Une névrosée rattrapée par de lourds secrets ? Une Lolita tendance Laura Palmer cachant  bien son jeu ? Questions en pointillés que Joël Dicker, jeune romancier genevois qui signe là son 2eme roman, n'aurait pu réduire qu'à une machine infernale tourbillonnant sur plus de 650 pages.

Seulement voilà. Sous ses airs de Cluedo vertigineux et d'inventaire des vieux démons du puritanisme anglo-saxon, "La vérité sur l'Affaire Harry Quebert" a surtout le mérite de renouveler les paramètres du roman en abîme. Un jeune écrivain à succès en panne d'inspiration en est le très ambigu narrateur. Plus de trente ans après les faits, le voilà à son tour embarqué dans l'aventure, prêt à disculper le suspect du crime tout en faisant de son enquête l'objet de son prochain livre. Là où ça se corse, c'est que le principal suspect en question, le fameux Harry Quebert,  a été lui aussi écrivain à succès et lui aussi taraudé par l'angoisse de la page blanche.

Comment écrit-on un roman qui se vend ? Y-a-t-il encore un espace pour la "cristallisation" littéraire dans les eaux glacées du marketing éditorial ? Est-ce la profondeur d'âme, le style, le rythme et la construction d'un récit qui en constituent la force, ou celle-ci ne réside t-elle que dans les artifices auxquels a recours le romancier pour que ses mots soient "entendus" par le lecteur ? Le coup de génie de Joël Dicker consiste à ne jamais donner à ces interrogations une quelconque pesanteur existentielle. Il les ancre, au contraire, dans une fiction magistralement charpentée qui entremêle le New Hampshire de Nabokov, mais aussi le Maine de Stephen King et le Newark de Philip Roth.

D'autres paysages encore... Des jardins et des bourgades trop lisses (à l'image du "Portrait of Orleans" d'Edward Hopper qui orne la couverture du livre), une plage en attente de mouettes, un garage où du jazz assourdissant étouffe ce qu'on ne veut ni voir ni entendre... Autant d'ambiances et de contrastes qui font de ce roman l'époustouflante tuerie de cette rentrée littéraire...

"La vérité sur l'affaire Harry Quebert", de Joël Dicker (Editions du Fallois/L'Âge d'Homme), prix 2012 du Roman de l'Académie Française. Coup de projecteur avec l'auteur, mardi 30 octobre, sur TsfJazz (7h30, 11h30, 16h30)

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