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Un soir au club (le film)

Le dimanche 25 octobre 2009, par Laurent Sapir

"On distingue, en gros, deux catégories d'amateurs de jazz, les calmes et les agités"... C'est Christian Gailly qui écrit ces lignes en 2002 dans "Un soir au club" (Editions de Minuit), roman-culte d'une jazzophilie tendue sur le fil de l'intime et dépouillée de ses oripeaux festifs. Christian Gailly ne fait pas partie des agités. Jean Achache non plus. En adaptant à l'écran "Un soir au club", cet ancien assistant de Bertrand Tavernier joue lui aussi, et à sa manière, dans le registre de l'hypnose et de la délicatesse, au creux de cette fatigue de l'âme qui peut parfois vous rendre tellement réceptif à un langoureux chorus lâché à une heure avancée de la nuit.

La nuit, ici, est brestoise, pas très loin des navires à quai et des trains que Simon Nardis n'en finit plus de rater alors qu'il est censé revenir sur Paris. Il a replongé, l'ancien pianiste... Il avait promis à sa femme de ne plus jamais toucher à un accord de clavier ni à une goutte d'alcool, mais il lui a suffi, un soir, de pousser la porte d'un club de jazz  pour retrouver des sensations qu'on ne trouve nulle part ailleurs. "J'avais juste une envie de vivre, écrira Christian Gailly  au sujet de son personnage principal, une minable petite envie de vivre"...

Retranscrire à l'image ce bémol de l'existence n'allait pas de soi. Jean Achache s'y est attelé comme un patron de club soucieux de donner au spectateur le plus de confort possible. Jeux d'ombres, vert fluo, gros plan sur tel ou tel détail d'un instrument... On est à la fois dans une représentation "classique" du jazz à travers les ambiances qui lui sont associées, et en même temps quelque chose de décalé surgit à travers le personnage d'Elise Caron, alias Debbie Parker, la chanteuse dont Simon Nardis va tomber amoureux.

Quelle présence, cette Elise ! Un zeste de gouaille, une lassitude suave, des vibrations qui subliment chaque plan où elle apparait... Debbie Parker n'a rien d'une vamp, et pourtant, elle vampirise véritablement l'écran sous les traits de l'ancienne égérie de Claude Barthélémy ! A ses côtés, Thierry Hancisse, dans le rôle de Simon, est aussi à l'aise devant un piano que sur la scène de la Comédie-Française où il a forgé son jeu d'acteur.

Michel Bénita, enfin, a conçu en guise de B.O. une partition subtile qui renforce le ton doux-amer du récit, y compris lorsque la caméra sort du club pour nous emmener sur une plage de galets... On ressort en fin de compte très ému de cette adaptation du roman de Christian Gailly, et aussi assez fier de voir comment un film  "jazzé" de bout en bout est en train de se tailler une jolie petite place dans le paysage cinématographique hexagonal...

Un soir au club, de Jean Achache (Sortie en salles le 18 novembre)

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