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NO FOOLS, NO SWINGS
GERARD BADINI

Pat Metheny à l'Olympia

Le dimanche 14 février 2010, par Laurent Sapir

On dirait un magasin des antiquités... Après trois morceaux en solo qui donnent déjà à entendre toutes les variations dont sa guitare est capable,   le rideau se lève, devant un Olympia médusé, sur l'Orchestrion de Pat Metheny... Même au concours Lépine, on n'a jamais vu ça : des portiques avec cymbales, cloches et percussions; des étagères sur lesquelles sont posées des bouteilles de liquides produisant différentes notes;un vibraphone, un marimba, un piano et deux guitares robotisées.Tous ces instruments sont actionnés à distance par le guitariste parallèlement à son travail de soliste.

On ne saisit pas trop comment tout cela fonctionne ni comment vraiment faire la part des choses en ce qui est pré-programmé et ce qui participe de la musique live... L'Orchestrion était parait-il une trouvaille du 19ème siècle, un bric-à-brac multi-instrumental actionné par des cylindres rotatifs et des engins pneumatiques... Pat Metheny a enrobé tout cela dans une technologie dernier cri qui produit un son étonnant si on oublie un bref incident technique en début de 2ème partie du spectacle.

À vrai dire, c'est d'abord dans le registre de la fascination que le concert s'écoute et se "voit"... Cela clignote de partout,  les baguettes bougent toutes seules sur les cymbales... ça fait un peu peur aussi, surtout lorsque dans un jeu de scène magistral le guitariste disparait dans l'obscurité, laissant en pleine lumière des instruments livrés à eux-mêmes, comme s'ils étaient actionnés par des sidemen invisibles...Séquence sidérante, mais aussi un peu déshumanisante... Pat Metheny ne nous a jamais semblé, finalement, aussi seul que dans cet incroyable tête-à-tête avec une sorte de Frankenstein orchestral qui donne parfois l'illusion d'échapper à son créateur.

Le plus curieux, c'est après le concert. On rentre chez soi, on réécoute le disque où ont été gravées ces compositions pour orchestrion, et c'est beaucoup plus soyeux qu'avant le concert: on plane sur ces cinq morceaux tout en suspension, fignolés à l'aquarelle, avec une ligne mélodique parfois bluesy ("Soul Search"), pleine de douceur et de sensibilité ("Entry Point"), et dont la charpente harmonique est un régal pour tous les mélomanes qui ne se résignent pas aux swingueries monocordes ("Spirit of the Air")... Ramené aux mensurations d'un simple CD, l'Orchestrion de Metheny sonne peut-être plus classique, mais dans la sérénité qui émane des enceintes d'une mini-chaîne, on est certain, cette fois-ci, que Frankestein ne s'échappera plus.

Pat Metheny, "Orchestrion" (Nonesuch Records)

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