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SATURDAY MORNING
AHMAD JAMAL

Margin Call

Le lundi 21 mai 2012, par Laurent Sapir

D'abord l'essentiel. Découpé au scalpel, mis en scène avec une vraie science du huis clos et doté d'un casting d'enfer (Kevin Spacey, Paul Bettany, Demi Moore et -last but not least- Jeremy Irons dans un rôle qui fait honneur à toute l'aura maléfique dont il est capable), "Margin Call" est un beau moment de cinéma.

Deux réserves, néanmoins, et elles sont de taille. La première tient au rapport un peu sournois que J.C. Chandor, dont c'est le premier film comme réalisateur, entretient avec la matière qu'il filme. Pour résumer, on est ici en plein thriller financier sans que jamais n'en soient éclairés les enjeux et les modalités. Puisqu'il s'agit de reconstituer la fameuse séquence du 15 septembre 2008 qui vit la banque Lehman Brothers faire faillite, le minimum eut été de nous expliquer sur quels types de produits spéculait la dite multinationale et les raisons structurelles (au-delà du bug sur un modèle de prévisions de pertes) qui la poussèrent à liquider tout son stock d'actions soudainement sans valeur, au risque de plonger Wall Street dans le gouffre.

Silence total du scénario sur ce point. Subprimes connait pas. Surtout ne pas embrouiller le spectateur. Contextualiser à mimima, sans faire apparaître évidemment le moindre acteur politique. S'en tenir à la simple dramaturgie humaine. C'est là où réside la 2eme source de malaise. Une chienne qui meurt, un jeune trader qui pleure dans les chiottes parce qu'il va être viré, un patron qui, la mort dans l'âme, envoie ses boursicoteurs au casse-pipe, la seule femme du groupe promue par les premiers sacrifiés... C'est qu'ils ont une âme, nos chers spéculateurs ! Eux non plus, d'ailleurs, il ne faut pas les abreuver de chiffres. Ils n'y comprennent rien, paraît-il...

Il n'est pas touchant, au passage, ce trader défroqué qui se souvient de la belle époque où il construisait des ponts pour faire économiser du temps aux Américains ? Le pire, c'est qu'on est de tout coeur avec cette bande d'enfoirés lorsqu'ils essaient de vendre leurs actions pourries en à peine quelques heures, histoire de limiter la casse... "Margin Call", on l'aura compris, est formaté comme il se doit sur le plan cinématographique comme sur le plan politique. Efficacité garantie, innocuité absolue.

"Margin Call", de J.C. Chandor (Le film est sorti en salles le 2 mai)

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