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Lorenzaccio

Le dimanche 15 novembre 2009, par Laurent Sapir

Marionnettes, ballades russes et baignoire torride... Tel Musset courant plusieurs lièvres à la fois dans ce "Lorenzaccio" qui ne fut jamais joué de son vivant, Yves Beaunesne ( à qui on devait déjà un superbe "Partage de midi" monté il y a quelques années à la Comédie-Française),  multiplie ici les angles d'attaque au fil   d' une mise en scène qui frappe  par son audace et son agilité.

Le texte, évidemment, est magnifique. Lorenzaccio, c'est Hamlet au royaume des Médicis simulant, non pas la folie, mais la dépravation, afin de pouvoir trucider en paix son cousin, l'immonde Duc de Florence, après lui avoir subtilisé sa cotte de mailles... Peine perdue... L'assassinat ne sert à rien. Un tyran en remplace un autre, ce dont Lorenzaccio se doutait bien au passage ("Les bons hommes ? A quoi servent-ils ? Que font-ils ? Comment agissent-ils ? Qu'importe que la conscience soit vivante, si le bras est mort "), tout en perdant au passage ses derniers restes d'intégrité ( "Je me suis fait à mon métier. Le vice a été pour moi un vêtement; maintenant, il est collé à ma peau ") ...

Pour donner du relief à un tel despérado, Yves Beaunesne a transposé l'intrigue florentine dans une  Russie fin  19ème regorgeant elle aussi  de ces  révolutionnaires idéalistes qui pensaient en finir avec le régime tsariste en s'attaquant uniquement à la tête de l'Etat. Autre joli choix de mise en scène, le recours, pour les rôles mineurs, à des marionnettes qui semblent faire écho aux spectres de Musset, ceux qui le rendaient à ce point insomniaque entre deux "confessions d'un enfant du siècle"... Quelle belle idée enfin que de faire jouer Lorenzaccio et le Duc par deux acteurs à peu près du même âge...

Thomas Condemine, révélé par Stéphane Braunschweig et Alain Françon, compose un Duc gouailleur en diable; Mathieu Genet vient de la Comédie-Française. Il est à la fois cette "fureur de bouger" de Lorenzaccio dans parle Yves Beaunesne dans ses notes d'intention, mais aussi ce furet maladif qui échappe à tout le monde, y compris un peu à lui-même... L'interaction entre les deux comédiens va de pair avec une ambivalence sexuelle particulièrement grâtinée, d'où la fameuse "scène de la baignoire" qui peut dérouter au prime abord alors même qu'elle figurait dans les manuscrits originaux de Musset. On l'aura compris, il y a vraiment du grain à moudre dans cette lecture de "Lorenzaccio" rehaussée par une scénographie dépouillée qui, d'une scène à l'autre, autorise une remarquable fluidité, genre fondu au noir...

"Lorenzaccio", mise en scène par Yves Beaunesne. Après Dijon, la pièce s'installe sur la scène nationale de l'Apostrophe, à Cergy-Pontoise, du 18 au 20 novembre. Coup de projecteur avec le metteur en scène, ce mercredi 18 novembre, à 8h30, 11h30 et 16h30...

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