Direct
DEAR DON
CHRISTOPHE MARGUET

L'été suivant...

Le lundi 27 mai 2019, par Laurent Sapir
Un été en pente douce mais fêlé de l'intérieur... Le nouvel album de "Limousine", ce hype-band immunisé contre toute prétention, nous enrobe dans les volutes d'une saison ni blanche ni sèche.

Le jazz sur un hamac. Dolce Vita, farniente et fugace mélancolie à l'horizon, comme une fin de vacances dont on essaie de conjurer le spleen en pensant déjà à L'été suivant. Il porte impeccablement son titre, le nouvel opus de Limousine dont les quatre membres (Laurent Bardainne au saxophone, Maxime Delpierre à la guitare, Frédéric Soulard aux claviers et David Aknin à la batterie) empruntent des chemins de traverse toujours aussi planants quand un certain jazz carbure d'académisme ou de prétention.

L'Été suivant remplit son réservoir d'une essence plus rare, entre humilité et indolence. Et alors ? On entend déjà les grincements de dents (comme pour les zombies de Jarmusch à Cannes...), comme s'il fallait toujours être dans le sprint et dans le roboratif. Il est des flâneries, pourtant, qui charment par leur sensualité, et ce jazz qui se la coule douce nous berce autant que sur Limousine II et Siam Roads, les deux précédents disques d'un hype-band qui pousse toujours plus l'art du décoinçage.

D'autant que l'album est loin d'être monochrome. Un soleil voilé imprègne les lancinantes notes de Colombus, une brise joyeuse infuse les claviers de Oiseau du matin, et puisqu'il n'y a pas d'été sans fête, c'est à l'extrême-sud du Congo que Laurent Bardainne et ses comparses s'offrent un calypso allègre mâtiné de reggae avec Les amis de Pointe Noire. Après la Thaïlande de Siam Roads, on peut dire que les grandes distances leur réussissent.

Sauf qu'au gré des plages, Limousine ondule ses humeurs. Cette inquiétude, par exemple, qui s'indexe sur une guitare réverb' lors de l'envoûtant No California, puis s'emballe dans un solo à la Albert Ayler sur Cambodia. L'été se tend, des nappes d'électro glacial s'incrustent dans ce que les mélodies avaient de plus suave, on croirait voir un arc-en ciel, et puis c'est Pluie, titre du tout dernier morceau, comme la coda lancinante d'une saison ni blanche ni sèche. Pour résumer: des gouttes de pluie sur un hamac, la rosée du matin qui résiste aux orages à venir, un été en pente douce mais fêlé de l'intérieur. Avec Limousine, le bonheur ne tient qu'à un fil. Raison de plus pour ne pas passer à côté.

L'Été suivant, Limousine (Ekler'o'shock)

Partager l'article
Les dernières actus du Jazz blog