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Certains l'aiment chaud et Marilyn

Le vendredi 09 avril 2010, par Laurent Sapir

Avant chaque scène de "Certains l'aiment chaud ", Marilyn Monroe se tord les doigts et bouge les mains dans tous les sens. Difficile, par ailleurs, de résister à "ses hanches de lavandière polonaise"... Enfin, pour arracher à la star une réplique aussi simple que "Où est ce bourbon ?", il faudra 81 prises, le malheureux et patient Billy Wilder ayant auparavant encaissé toutes les variantes possibles et inimaginables de la chose, du style "Où est la bouteille ?", "Où est ce whisky ?", "Où est le whisky bourbon ?", voire même "Où est ce bonbon ?"...

Il y a finalement deux lectures possibles de ce "Making-of " de "Certains l'aiment chaud " par Tony Curtis... On peut y voir,  en   premier lieu, une mine d'anecdotes sur ce qui est, par son rythme, son univers et sa bande originale, le film le plus jazz (et accessoirement le plus tordant) du cinéma américain, avec d'ailleurs une bonne part d'improvisation pendant le tournage. C'est ainsi que le jet de vapeur des deux wagons frôlant la silhouette de Marilyn Monroe lors de son apparition sur le quai de gare ne figurait pas dans le scénario... C'est la comédienne elle-même, mal à l'aise dans la première version de la séquence, qui demande à Billy Wilder de se montrer plus imaginatif .

Jack Lemmon, lui, va génialement utiliser les maracas qu'il a en main pour combler les vides entre ses répliques dans la fameuse scène où Jerry/Daphné, à l'issue d'un tango homérique avec le lubrique Osgood, se laisse dépasser par le rôle qu'il joue... On aurait aimé que l'ouvrage s'en tienne uniquement à ses secrets de fabrication. A 84 ans passés, Tony Curtis a cru bon, malheureusement, d'y ajouter des ragots qui ne font pas honneur à sa légende.

On est même dans le "Inamicalement vôtre" vaguement concupiscent lorsque l'ancien comparse de Roger Moore dans une célèbre série TV commence à raconter ses coucheries avec Marilyn, jusqu'à nous faire comprendre qu'elle aurait été enceinte de lui alors qu'elle était mariée au dramaturge Arthur Miller, lequel est décrit ici comme un cérébral sinistre et destructeur... l'actrice elle-même n'apparaît pas sous un jour bien meilleur. Capricieuse, alcoolo, lunatique, limite nymphomane et à fortiori très peu professionnelle, voilà une vision de la star relativement conforme aux commérages qui ont contribué à sa perte...

On pourra également trouver affligeant l'autoportrait que Tony Curtis dessine de lui-même au fil des pages, le lecteur découvrant un jeune premier extraordinairement vantard et qui se prend pour le nouveau Cary Grant tout en comprenant, fort rapidement au demeurant, qu'il n'était pas autre chose, à l'époque, qu'un faire-valoir par rapport aux deux autres vedettes du film, à savoir Marilyn et Jack Lemmon... C'est avec bien peu d'élégance, d'ailleurs, qu'il essaiera de faire en sorte que son nom soit écrit, sur l'affiche de "Certains l'aiment chaud ", en aussi gros caractères que ceux de ses partenaires. Comme il est dit à la fin du film, "Nobody is perfect ! "...

"Certains l'aiment chaud et Marilyn", de Tony Curtis (Editions  le Serpent à Plumes)

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