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OLIVER NELSON

Bon à tirer

Le lundi 25 avril 2011, par Laurent Sapir

Romance trash, humour bazooka et parfum de film-culte s'entrecroisent férocement dans "Bon à tirer", le nouveau délire des frères Bobby et Peter Farrelly. Abonnés à quelques succès retentissants ("Mary à tout prix") mais aussi à une belle escouade de bides, ces frangins-là, à vrai dire, ne sont pas si tâcherons qu'ils s'en donnent l'air, d'autant plus que leur dernier opus pète le feu, au sens presque littéral du terme: ça flatule sur l'écran, ça sent une drôle d'odeur (comme un certain  jazz dont parlait Frank Zappa), ça déborde de partout, ça exulte...

Les bonnes âmes vont hurler, certes, au scabreux, mais n'était-ce pas le même type de reproche qu'on faisait autrefois à Billy Wilder, Blake Edwards et autres dynamiteurs du puritanisme ambiant ? Le titre du film, en tout cas, annonce la couleur: lassées de voir leurs quadragénaires de maris (Owen Wilson et Jason Sudeikis) reluquer le fessier de n'importe quelle femelle gravitant dans les environs, deux épouses plus toutes fraîches (Jenna Fischer et Christina Applegate)  s'efforcent de mettre un peu de piment dans la vie conjugale en octroyant à leurs conjoints un "bon à tirer" d'une semaine. Autrement dit, ces messieurs ont carte blanche, sept jours durant,  pour s'encanailler hors-mariage  avant de revenir tout revigoré -c'est du moins le but de l'opération- dans le lit de leur tendre moitié...

Les deux maris, qui ont gardé intacts tous leurs fantasmes d'ados, n'en demandaient pas tant... Le problème, c'est qu'à 40 piges, ils n'ont plus du tout la même efficacité qu'autrefois pour lever l'oiseau rare, et que le "bon à tirer" en question vire rapidement au naufrage absolu... Ce naufrage, qui est en réalité le naufrage du mâle américain dans toute sa splendeur, les Farrelly le filment en ne reculant devant rien, surtout  lorsqu'il s'agit de plonger dans le graveleux (Hilarante scène de masturbation dans la voiture sous le regard de deux flics médusés)...

Le même univers dans une comédie française donnerait quelque chose de consternant,  mais les deux frangins vont beaucoup plus loin que la simple gaudriole, et ils pulvérisent dans la foulée tout ce qu'il peut y avoir de formaté et d'aseptisé dans la plupart des comédies américaines. La scène, par exemple, où les deux maris évoquent, avec des mots qui n'appartiennent qu'aux frères Farrelly,  l'usure sexuelle avec leurs conjointes respectives est un démolissage en règle de toute une civilisation.

Même topo subversif avec la visite au couple d'amis parvenus (« – Nous avons acheté ce splendide frigo » « – Wouah ! Pas étonnant que les terroristes nous détestent ! ») C'est pour cela qu'on ne doit pas faire grief aux réalisateurs d'un dénouement apparemment moralisateur mais qui marque avant toute chose l'amère défaite d'une société n'admettant qu'un seul code de conduite, et pas forcément le plus euphorisant... La vulgarité inégalée de Bobby et Peter Farrelly, c'est un démontage en règle de cette uniformisation galopante, avec dans ses bagages grands ouverts un sens du découpage et de la mécanique bien huilée qui est aussi la marque de très grands cinéastes.

"Bon à tirer", de Bobby et Peter Farrelly (sortie en salles le 27 avril)

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