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Armageddon Time

Le samedi 05 novembre 2022, par Laurent Sapir
Vignettes familiales poussives, mise en images tenant lieu de mise en scène... On comprend mieux à sa vision les raisons pour lesquelles le nouveau James Gray, "Armageddon Time", est reparti bredouille à Cannes.

À l'exception d'un Fellini avec Amarcord ou d'un Woody Allen via Radio Days, retomber en enfance ou en adolescence relève de l'exercice casse-gueule. Quelques souvenirs en vrac: le récent Belfast, ou encore Arnaud Desplechin trébuchant grave avec Trois souvenirs de ma jeunesse. Pas certain au passage que Les 400 coups soit le meilleur film de François Truffaut. Bref, c'est au tour de James Gray de décevoir en la matière tant son Armageddon Time vire au pétard mouillé. On attendait pourtant beaucoup de ce retour aux sources, au cœur d'un foyer juif new-yorkais dont le réalisateur américain avait déjà brossé les traits avec finesse au moment de Two Lovers.

Hélas, à hauteur de Paul, ce gamin du Queens maladroitement campé par le jeune Banks Repeta, le récit familial en reste au stade de vignettes à peine plus imagées que celles de la mission Appolo dont Johnny, l'ami noir du héros, fait la collection. On aimerait être ému par ce qui réunit puis sépare les deux ados entre préjugés de classe et de race dont regorge la société états-unienne en ce début des années 80. Ronald Reagan s'apprête à être élu à la Maison-Blanche sur fond de menace nucléaire, le père d'un certain Donald Trump dirige à la dure une école huppée où Paul va devoir faire ses gammes... sauf que ce contexte politique n'est guère développé. Ou alors James Gray ne sait pas quoi en faire.

Le réalisateur paraît plus à l'aise lorsqu'au miroir de son enfance, il filme la relation intense nouée avec son grand-père joué par Anthony Hopkins. Ce dernier l'encourage à poursuivre dans le dessin, sa passion de jeunesse, tout en lui inculquant des leçons de vie héritées de ce que la famille a vécu au moment de la Shoah, mais que tout cela est gnangnan, démonstratif et sentencieux, surtout lorsque le réalisateur nous expose les états d'âme de son jeune héros forcé de sacrifier son meilleur ami. 

Il y a bien deux ou trois séquences touchantes, notamment lorsque le grand-père malade et son petit-fils se retrouvent autour du lancement d'une fusée en kit dans un grand parc. Ce sont comme par hasard des moments très peu dialogués. Ces petits riens un peu sages pèsent malheureusement peu au regard du grand film qu'Armageddon Time ne réussit jamais à devenir. Peu de grain à moudre également côté mise en scène, tant James Gray la résume avant tout à une mise en images, nourrissant une fois de plus le soupçon d'une filmographie surestimée ou défaillante malgré les qualités de Two Lovers et l'éclat de The Yards.

Armageddon Time, James Gray, sélection officielle à Cannes (Sortie le 9 novembre)

 

 

 

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