All We Imagine as Light
Pour son premier long-métrage de fiction, la réalisatrice indienne Payal Kapadia signe une ode émancipatrice au féminin pluriel qui prend progressivement son envol. Le Grand prix du Jury, à Cannes, n'était pas démérité.
Trois infirmières à Bombay. La première, Prabah, intrigue par sa réserve et son refus d'évoquer l'absence de son mari parti travailler en Allemagne dès le lendemain de leurs noces. Tout aussi entravée, Anu, sa jeune colocataire pourtant si souriante et extravertie, sauf qu'elle est contrainte à la plus grande discrétion avec son petit ami qui est musulman. La relation avec un homme, enfin, est définitivement réglée pour Parvaty, la plus âgée, puisque son époux est mort. Elle a d'ailleurs un autre souci plus immédiat en la personne d'un promoteur immobilier qui a acheté son immeuble et menace de l'expulser, faute de documents attestant ses droits de résidence.
Bombay est trop immense, bouillonnante et broyeuse de solitudes pour que les bleus à l'âme de ces trois femmes -les deux premières, surtout-, ne trouvent pas un parfait réceptacle dans la mise en scène si fine et si délicate de Payal Kapadia. La douceur d'un regard sous la pluie, la brise légère sur une chevelure, la ville à la fois si floue et si scintillante embaument l'écran de cette torpeur embuée de grâce propre à l'Inde contemporaine.
Fragile dans son absence même d'enjeux narratifs, le film déploie ainsi doucement mais sûrement ses ailes jusqu'à soudainement transporter ses personnages dans un village de campagne en bord de mer. Une autre lumière imprègne alors les personnages à travers une sororité davantage en action, y compris sur un terrain plus fantasmatique. Ainsi Prabah croit-elle retrouver son mari dans l'homme qu'elle vient de sauver de la noyade, destin auquel ce récit en pointillés parvient à échapper en faisant triompher la poésie, l'ouverture au monde et la lumineuse richesse de nos imaginaires.
All We Imagine as Light, Payal Kapadia, Grand Prix du Jury au dernier Festival de Cannes. Sortie en salles ce 2 octobre.