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Adagio, Mitterrand, le secret et la mort

Le dimanche 20 mars 2011, par Laurent Sapir

Soirée pénible à l'Odéon... Le maître des lieux, Olivier Py, se penche avec lourdeur, bondieuserie et platitude sur un François Mitterrand qu'il rend encore plus assommant que l'original. Sous la direction de Robert Guédiguian, il y a quelques années, Michel Bouquet campait sur grand écran un "promeneur du Champ de Mars" beaucoup plus subtil, avec dans le regard cette part d'acier et de mystère qui intriguait d'avantage... Le propos était aussi indulgent, d'une certaine manière, envers l'ancien président, mais Guédiguian ne faisait pas pour autant l'impasse sur la relation complexe entre Mitterrand et le monde extérieur, et notamment entre Mitterrand et le peuple de gauche.

Il en va tout autrement avec Olivier Py et Philippe Girard, qui incarne le rôle-titre. Emphatique et pesant, le comédien enchaîne des monologues extraits des écrits ou des paroles de François Mitterrand. Mais on n'y trouve pas l'ironie mordante et la complexité psychologique dans lesquelles excellait, au-delà du jugement de chacun, l'ancien président. La prose mitterrandienne, du même coup, est étouffée sous un verbiage de plus en plus rasoir... Mitterrand et les forces de l'esprit, Mitterrand et Dieu, Mitterrand et la mort... L'homme qui a cancérisé la gauche (avant que Ségolène Royal ne la lobotomise...) est représenté ici comme un tombeau vivant qui disserte dans le vide, avec en arrière-plan musical un succession d'adagios qui viennent conforter tout ce que cette soirée a d'affreusement funèbre.

L'art théâtral lui-même y perd ses repères : un gigantesque escalier sert de colonne vertébrale à la scénographie jusqu'à étouffer toute vie sur le plateau. En haut des marches, des livres, ou alors des pins qui semblent suggérer la forêt de Latché... Clichés, là encore... Avec les autres personnages, on touche au grotesque et à l'anecdotisme... Jack Lang, Helmut Kohl, Bernard Kouchner, Hubert Védrine, et même Marguerite Duras (!!!) Autant de caricatures qui défilent comme des vignettes de chansonnier, la palme du mauvais goût étant atteinte avec le discours sur la peine de mort de Robert Badinter, prononcé de manière presque hystérique, alors que le ton de l'ancien garde des sceaux était autrement plus fin.

Le reste relève de l'image d'épinal. Olivier Py, qui se défend de toute mitterrandôlatrie, a pris soin dans le même temps de ne jamais déséquilibrer la statue qu'il a choisi d'honorer. Même dans les moments les plus critiques (suicide de Pierre Bérégovoy, siège de Sarajevo, génocide rwandais et amitiés vichyssoises), son Mitterrand est un modèle de sincérité dont le seul drame, visiblement, est d'avoir été parfois incompris, notamment dans son propre camp politique... On aurait apprécié moins de flagornerie et un peu plus d'intelligence POLITIQUE, au sens noble du terme, dans la perception des enjeux de l'époque...

"Adagio, Mitterrand, le secret et la mort", mis en scène par Olivier Py au théâtre de l'Odéon (jusqu'au 10 avril)

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