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The Eddy (l'intégrale)

Le samedi 16 mai 2020, par Laurent Sapir
"The Eddy" sur Netflix, la suite... Ressenti encore plus fort que sur les deux premiers épisodes signés Damien Chazelle. C'est merveilleux de pâte humaine. Avec le jazz comme attitude. On en ressort chaviré.

Tout n'était pas parfait dans les deux premiers épisodes de The Eddy, mais les enjeux de réalisation propres à Damien Chazelle, son regard sur un autre Paris que celui des cartes postales et son désir rugueux et anti-mainstream de renverser par terre ce que la palette de La La Land avait de sirupeux (jusqu'à renouer avec le cocktail mal-être/addiction de Whiplash) avaient déjà de quoi nous combler. Il ne donne pas une image joyeuse du jazz, chouinaient les gardiens du temple ! Et alors ? Il est réalisateur ou ministre de la Culture ?

Le voici passant le flambeau à d'autres cinéastes pour les épisodes restants, et c'est comme s'il leur avait transmis la même prime à l'émotion, à la pâte humaine et à la vitalité prodigieuse de cette musique -le jazz- dès lors qu'elle a aussi valeur d'attitude face aux embûches et la précarité de nos existences. Le troisième épisode signé Houda Benyamina (dont le premier film avait pourtant tellement déçu...) confirme ses promesses. La caméra à l'épaule laisse la place au smartphone à travers lequel Leïla Bekhti se souvient des jours heureux avec celui qu'il lui faut maintenant enterrer. A-t-on déjà vu un enterrement musulman aussi bien filmé ? A-t-on déjà vu, sur grand ou petit écran, un enterrement musulman tout court, avec notamment la préparation du corps ?

Le club au cœur des deux premiers épisodes, quant à lui, est fermé. Trop de magouilles autour. Le groupe-maison en est réduit à faire des mariages. Leur swing ne plaît pas à tout le monde. Surtout aux fans de la Compagnie Créole. "La musique d'ascenseur, ça va"... Dans la lignée d'un récit choral, The Eddy met aussi en avant des personnages dont on pensait qu'ils ne feraient que de la figuration. Regard fulgurant du contrebassiste Damian Nueva Cortes entre déception amoureuse, drogue et impro afro-cubaine dans un restaurant.

Autres tropiques, si on peut dire, ceux des Balkans, avec la déchirante Lada Obradovic, la fracturée du groupe. Exclue temporairement, elle est remplacée à la batterie par un visage que l'on connaît bien, celui de Louis Moutin. Sauf qu'il se la joue trop virtuose ! (Précisons que dans la vie il n'est pas QUE virtuose, notre Loulou adoré...). À quoi sert un bon batteur sans synergie ? Une séquence magnifique les voit tous les deux jouer à distance le même morceau. On comprend alors pourquoi la jeune musicienne manque tant au groupe.

Il reste que The Eddy ne serait pas The Eddy sans son acteur et personnage principal, André Holland, alias Elliot Udo , l'ex-pianiste afro-américain réfugié dans son club, dans ses silences et dans son incapacité à rejouer de son instrument. Si l'intrigue policière dans laquelle il se débat est définitivement anecdotique, difficile de ne pas être pris aux tripes par sa relation tortueuse avec sa fille métissée à qui il offre un ouvrage de James Baldwin tout en lui citant les noms d'Arthur Briggs et Joséphine Baker. Eux aussi, ils ont résidé à Paris. "Tout une part de notre histoire est ici "... C'est sans doute la réplique la plus importante de la série. Celle qui lui donne tout son sens. Celle qui fait que The Eddy fera date.

The Eddy, réalisé par Damien Chazelle, Houda Benyamina, Laïla Marrakchi et Alan Poul. Actuellement sur Netflix.

 

 

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