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SUSIE ARIOLI

Quelques mois dans ma vie

Le samedi 27 mai 2023, par Laurent Sapir
Houellebecq à la confesse au sujet de récentes péripéties lui ayant donné quelques sueurs froides... Pénible, vulgaire et pathétique, cet exercice d'auto-justification a peu de chose à voir avec les romans les plus puissants de son auteur.

Sors de ce corps, Calimero ! Tel le poussin de dessin animé qui ponctuait autrefois ses mésaventures par un "C'est vraiment trop injuste...", Michel Houellebecq pleurniche là où primaient autrefois fierté, flamboyance et sens de la provocation. On ne le comprend pas, on lui fait des misères et on veut le museler, lui qui n'est que bienveillance incarnée. Sans même vouloir remettre en cause la sincérité supposée du discours, cette manière de retomber en enfance embarrasse au plus haut point, surtout lorsqu'on est l'auteur de romans parmi les plus puissants de ces dernières années.

Dénué de tout effort de style, l'exercice d'auto-justification débute autour d'un hors-série piloté par le sinistre Michel Onfray. L'auteur des Particules élémentaires  y tenait des propos sur l'Islam qu'il refuse à présent d'assumer. Soit. On n'a jamais, à vrai dire, confondu Houellebecq et Zemmour, quelles que soient les élucubrations du premier dans la sphère publique. Le voir en même temps évoquer ses "sempiternelles chamailleries avec les musulmans" frise l'indécence. Bientôt, il nous expliquera qu'il ne peut plus se passer de ses ennemis préférés. En attendant, Houellebecq geint sur le trop-plein d'idéologie dans les débats du moment. "Je ne crois pas aux idées. Je crois aux gens ", ose-t-il. Ce sont pourtant bien des gens que certains propos peuvent blesser et non pas des idées.

Le reste de cette brochure aux faux airs de journal intime est consacré à un tournage de film érotique dont on se contrefiche absolument. Pas sa vedette principale, semble-t-il, hantée par la trace que pourraient laisser de récentes pérégrinations néerlandaises. Le voici du même coup acharné à ce que le film en question ne soit jamais diffusé. Haro pour cela sur le "Cafard", la "Truite" ou encore la "Vipère", alias les commanditaires de l'opération accusés d'avoir abusé de la confiance de Houellebecq. La fable animalière est poussive, surtout quand sont censés la pimenter deux ou trois passages sexuellement bien glauques.

Plus pathétique encore, ce moment où Houellebecq, mortifié par ces images de film érotique volées paraît-il à son insu, se compare aux femmes victimes de viol. Le sketch féministe ne dure pas bien longtemps. Après une étrange charge contre Picasso qualifié de "crétin ithyphallique " (l'ouvrage nous aura au moins appris le sens de ce mot...) torturant les femmes, l'écrivain se réjouit du soutien de... Gérard Depardieu. Difficile au final de saisir la raison d'être de ce petit livre à la couverture noire bâclé en à peine une centaine de pages, sans oublier en bonus des règlements de compte avec certains journalistes et médias dont le niveau relève du préau d'école. C'est dommage, à un moment, Houellebecq tentait de dire un truc intéressant sur Robespierre.

Quelques mois dans ma vie. Octobre 2022-Mars 2023, Michel Houellebecq (Flammarion)

 

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