Put Your Soul on Your Hand and Walk

"Quand tu sors à Gaza, tu mets ton âme dans ta main et tu marches"... La jeune photographe Fatma Hassouna a noué un lien à distance avec la réalisatrice Sepideh Farsi avant d'être tuée par une frappe israélienne. "Put Your Soul on Your Hand and Walk" nous laisse ses derniers sourires.
Fatma Hassouna n'aura pas vu la France et d'autres pays occidentaux reconnaître l'Etat de Palestine. Le 16 avril 2025, la photojournaliste et chroniqueuse est tuée avec dix de ses proches dans le bombardement de sa maison, au nord de Gaza. Une ONG britannique établira après enquête qu'elle a été délibérément ciblée par l'armée israélienne. Quelques jours plus tôt, cette jeune femme de 25 ans venait d'apprendre qu'un documentaire dont elle est la protagoniste principale serait présenté au Festival de Cannes. Dernier sourire, radieux de bonheur, après tant d'autres qui illuminent sa correspondance filmée avec la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi (Le Voyage de Maryam, La Sirène...).
Ses sourires bouleversants, c'est l'horloge de Fatma, car sans rien retrancher à leur sincérité, ils font aussi office de paravent. Elle sourit alors que sa ville s'effondre un peu plus chaque jour. L'épuisement la gagne, le désarroi aussi, mais elle se doit de sourire, saisissant au bond telle ou telle conversation qui en ravivera l'éclat. Parfois, le flux vidéo se brise, estompant son visage en une nuée de pixels sur le téléphone de son interlocutrice. Ses sourires, c'est aussi le compte à rebours de sa trop brève existence.
Le cinéma, donc, comme dernière ligne de vie, et avec plusieurs éléments qui se télescopent, rendant la perception de Put Your Soul on Your Hand and Walk à la fois poignante et complexe. Car ce sont deux femmes de générations et de cultures différentes qui parviennent malgré tout à faire trait d'union. Fatma rêve de visiter Téhéran quand Sepideh Farsi a fui le régime des mollahs. Leurs échanges sur le 7 octobre, ou sur le port précoce du voile, ne coïncident pas toujours. Sauf que le sourire de Fatma reprend le dessus jusqu'à être envahi - et là, ce n'est plus tellement un télescopage - par la beauté de son âme. Il en est le vecteur, ou alors "l'arête plantée dans la gorge du monde et que personne ne parviendra à avaler", comme le dit à propos de son peuple l'historien et essayiste palestinien Elia Sanbar, citant son propre père.
Il faut aller voir Put Your Soul on Your Hand and Walk, même si sa sortie tombe trop près du film si marquant de Nadav Lapid, Oui. Il est acquis de toute façon que le septième art n'abandonnera plus jamais Gaza ni les Palestiniens. On a commencé à le voir l'an passé avec No Other Land et Voyage à Gaza. On attend bientôt en salles le film-choc de la dernière Mostra, La Voix de Hind Rajab. Il y a enfin ces cinéastes israéliens (et pas seulement Nadav Lapid...) qui s'inscrivent dans la solidarité internationale avec Gaza et que la clique Netanyahu tente de réduire au silence. Il faudrait les boycotter, eux aussi ? Qui imagine un seul instant, franchement, le Viet Công boycottant Jane Fonda ?
Put Your Soul on Your Hand and Walk de Sepideh Farsi, section ACID au dernier Festival de Cannes, sortie en salles ce mercredi 24 septembre.