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Magic in the Moonlight

Le mercredi 22 octobre 2014, par Laurent Sapir

Le souvenir d'une extraordinaire virée catalane (Vicky Cristina Barcelona) et d'une escapade plutôt sympa dans la Ville Eternelle (To Rome With Love) nous avait mis une fâcheuse idée en tête: Woody Allen serait-il, désormais, à son meilleur lorsqu'il ne met pas de jazz dans ses B.O.? Faut-il le dé-swinguer pour que ses films ne sentent pas le ranci, le moite, le poussiéreux ? L'atroce hypothèse cheminait sournoisement, de Midnight in Paris à Blue Jasmine, nous faisant presque oublier la rhapsodie gershwinesque de Manhattan et les tubes indémodables de Radio Days...

Et la lumière fut. Lumière provençale, picturale (Formidable travail du chef opérateur français Darius Kondji)  et... jazzée de ce Magic in the Moonlight tout en vibrations sur les balades de Cole Porter, la trompette de Bix Beiderbecke et l'allant du Sweet Georgia Brown des frères Dorsey avant que Django n'immortalise autrement le morceau. Notes bleu(es)-azur, donc... Dés les années 20, la Riviera est une terre d'accueil privilégiée pour le jazz. Du Cap d'Antibes à la Baie des Anges, les pieds dans l'eau, flâneurs et esthètes fredonnent l'étrange et nouvelle syncope venue des champs de coton du Vieux Sud et des troquets clandestins de Chicago. Scott Fitzgerald séjourne dans le coin. Il y reste un beau moment, même si sa chère Zelda, contrairement aux musiques les plus dansantes, commence déjà à lui casser les oreilles.

Alors voilà... Quand Woody Allen puise dans ce contexte pour déployer un récit mi-conte mi-marivaudage dont il a le secret, on se dit que la partie a de grandes chances d'être gagnée. N'est-il pas lui aussi, comme le souligne avec l'élégance qui le caractérise le critique et romancier Eric Neuhoff au micro de TSFJAZZ, fitzgeraldien de coeur ? Cette attention aux oisifs et à leur richesse d'âme particulière, cette quête inlassable de dolce vita mais aussi cette fragilité existentielle qui vous conduit à ne rien espérer quand un joli minois suffit à ébranler vos certitudes.

Derrière ses atours de friandise ciselée avec une grâce infinie, Magic in the Moonlight sonne le glas des illusions. Un illusionniste en est d'ailleurs la victime. Colin Firth, arrogant magicien débarquant sur la côte pour démasquer une vénale demoiselle soi-disant experte en spiritisme, y laissera bien des plumes. Il faut dire que lorsque la médium en question a le visage et la silhouette d'Emma Stone et que cela est propice, encore une fois, à une réminiscence fitzgeraldienne (la pure flapper girl, observe Eric Neuhoff, façon Daisy Buchanan dans Gatsby...), il n'y a plus qu'à abdiquer. Comme dans Manhattan 35 ans auparavant, la scène-clé aura lieu dans un planétarium servant d'abri par temps d'orage. Le genre de séquence dont on sort avec des étoiles plein les yeux...

Magic in the Moonlight, Woody Allen (Le film est sorti ce mercredi) Coup de projecteur avec le romancier et critique au Figaro Eric Neuhoff, ce jeudi 23 octobre, sur TSFJAZZ (12h30)

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