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BILL EVANS

Vicky Cristina Barcelona

Le mardi 16 septembre 2008, par Laurent Sapir

C'est bizarre, pour une fois, de ne pas parler de Woody Allen à l'imparfait. Parce que quand même, il faut bien dire que ces derniers temps, et disons même ses quinze dernières années, on s'y était trop habitué, aux déceptions plus ou moins cinglantes; on donnait trop souvent dans la petite notice nécro: ci-gît Woody Allen, cinéaste de la 2ème moitié du 20ème siècle, auteur de chefs d'oeuvre comme "Manhattan", "Zélig", "La Rose Pourpre du Caire", "Hannah et ses soeurs" ou encore "Radio Days"...

Après ça franchement, on n'y croyait plus. Bluettes, pochades et autres navets même pas rigolos... On ne reconnaissait plus Woody Allen, d'autant plus que les BO jazz devenaient de plus en plus rares. Mais tout ça c'est du passé ! Car en cette rentrée 2008, Woody Allen vient de prendre un fantastique coup de jeune avec ces deux nouvelles conquêtes, Vicky et Cristina, les deux héroïnes de son nouveau film "Vicky Cristina Barcelona".

Vicky et Cristina donc... Deux touristes américaines en pleine virée catalane. C'est la Barcelone de Gaudi qui les intéresse, avec un zeste de sangria, des rengaines pop qui sonnent comme du Gershwin, et des guitares espagnoles aussi ténébreuses que le peintre qu'elles vont rencontrer. A part ça, ces deux jeunes dames sont assez différentes de caractère. Il y a la rationnelle, l'intello, la casanière de la libido allergique à la moindre errance. C'est Vicky, campée par Rebecca Hall. Cela pourrait être un rôle à la Mia Farrow...

Et puis il y a Cristina, la délurée, l'instinctive, la passionnée. Elle n'en finit pas de braver les interdits mais aussi les galères sentimentales, ce qui la rend évidemment hyper fragile. Cristina, c'est Scarlett Johansson. 3ème film sous la direction de Woody Allen, sauf que c'est seulement maintenant qu'on la perçoit, la Scarlett, comme une nouvelle Diane Keaton. C'est peut-être ça, le premier bonheur du film: Diane Keaton et Mia Farrow, ou plutôt leurs héritières, dans un même plan-séquence. C'est en tous les cas ce personnage joué par Scarlett Johansson qui va tomber en premier dans les bras d'un peintre bien torturé campé par Javier Bardem, l'exténuant tueur des frères Coen revitalisé ici en vrai faux dragueur bien plus fin qu'il en a l'air, et qui traîne comme un boulet son ex-épouse, la suicidaire et incontrôlable Pénélope Cruz.

Au final, on se retrouve avec un conte d'été filmé avec les couleurs de l' automne. Un automne vraiment très doux, propice à un marivaudage pas si léger qu'il en a l'air. Ou alors c'est une légèreté avec un vrai sens de gravité, comme dans les plus beaux films d' Eric Rohmer. Car il y a beaucoup de brisures dans les trajectoires des personnages, et aussi d'une certaine manière un romantisme qui fait office de paravent par rapport à une vision plutôt pessimiste des rapports amoureux.

Et puis il y a Barcelone bien sûr, le nouveau "Manhattan" de Woody Allen; l'Europe telle qu'il la rêve, libertine, virevoltante, sensuelle, expurgée de tout ce matérialisme et de toutes ces pruderies que le cinéaste ne supporte plus dans son propre pays... C'est ce parfum d'exil, peut-être, qui donne à ce film toute son intensité et qui permet dans le même élan à notre Woody transnational de signer son premier chef d'oeuvre du 21ème siècle.

Vicky Cristina Barcelona, de Woody Allen (Sortie en salles le 8 octobre)

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