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L'Énigme de la chambre 622

Le samedi 23 mai 2020, par Laurent Sapir
On ignore qui est le meurtrier, mais aussi qui est la victime... Retour gagnant, une fois de plus, pour Joël Dicker et son nouveau thriller à la fois captivant, touchant et assez étonnant dans ses différents jeux d'écriture. L'auteur sera l'invité de "Portrait in Jazz" mercredi soir.

L'art du thriller façon Joël Dicker... Son énigme de la chambre 622 captive à double titre: ce n'est pas tant l'identité du meurtrier que celle de sa victime qui agite le lecteur. Qui est donc ce cadavre retrouvé dans un palace des Alpes suisses où une banque familiale a l'habitude de réunir la jet set genevoise à l'occasion d'un week-end annuel ?

Une arborescence de flash-back démultiplie le mystère, tout comme la face cachée de personnages aux noms baroques - Macaire Ebezner, Lev Levovitch ou encore Signor Tarnogol. Et lorsque Dicker se met lui-même en scène, aussi bien comme enquêteur que sur un mode plus intime en souvenir de son éditeur disparu, on comprend que le jeu de piste, tout en s'abreuvant à des recettes joliment éprouvées (emboîtement de tempos, variations sur l'art...), va creuser d'autres tranchées que celles arpentées jusque là sur le sol américain par l'auteur de La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert et La Disparition de Stephanie Mailer.

Il faut dire qu'ici, Joël Dicker est à la fois chez lui et ailleurs. Chez lui dans sa Suisse natale, et plus précisément à Genève, épicentre fantasmé d'une intrigue dont la toponymie vaut déjà roman, des salons du Beau-Rivage à la rue des Glacis-de-Rive. Ailleurs parce qu'on ne l'imaginait guère tenter le "page-turner" dans une saga bancaire entre jeux de pouvoir et triangle amoureux avec pour personnages principaux un héritier pathétique, son épouse mélancolique (elle s'appelle Anastasia, tout un programme...), et un Don Juan masqué oscillant entre ingénuité et machiavélisme.

Le lecteur oscille pareillement, troublé et finalement emballé par différents registres de narration : plongée dans le monde de l'argent-roi, fable utopique, vraie-fausse sitcom, satire helvétique, dérives burlesques, romantisme passionné puis démythifié... L'ombre d'Albert Cohen et de sa Belle du Seigneur hantent plusieurs plages. Lui aussi, entre cocasserie et sensualité, avait fait de la ville du lac le cadre faussement propret d'une liaison toxique entre un jeune diplomate tombeur de ses dames et une épouse délaissée.

Mais c'est surtout une autre ombre qui rend ce nouvel opus si touchant. "Les aventures, ce sont les vacances de la vie", écrit l'auteur... Bernard de Fallois était effectivement un aventurier. L'Énigme de la chambre 622 évoque aussi la mémoire de ce chevalier de l'édition disparu il y a deux ans et à qui Joël Dicker doit tout. "Dans la forêt des êtres humains, il était un arbre plus beau, plus fort, plus grand. Une essence unique, qui ne repoussera plus"... Imbriqué dans les sortilèges de la fiction, cet hommage déconfiné résonne encore plus juste.

L'Énigme de la chambre 622, Joël Dicker, Éditions De Fallois. Sortie le 27 mai. L'auteur sera le même jour l'invité sur TSFJAZZ de Portrait in Jazz (19h) au micro de Laurent De Wilde.

 

 

 

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