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Le jour où Nina Simone a cessé de chanter

Le mardi 29 avril 2008, par Laurent Sapir

Je n'aurais jamais cru que la fulgurance au théâtre revienne ce soir là, dans la très prolétarienne Maison des Métallos, près de Ménilmontant... Ainsi donc, alors que les Molières s'embourbaient définitivement dans le ridicule, le même jour, ignorant encore une fois Stéphane Braunschweig, le salut allait venir d'une femme pieds nus, robe rouge d'été, seule sur scène, avec ses mots, ses cris et ses rires pour raconter son père disparu et son Liban ravagé sur l'air de "Sinnerman", de Nina Simone.

Darina Al Joundi est une belle femme, un peu brûlée... Son récit, qui a donné matière à un livre et à une pièce-culte depuis le dernier festival d' Avignon, débute en 1968, l'année de sa naissance. Elle a vécu le Liban des années de plomb, à l'ombre d'un père magnifique, poète et journaliste syrien exilé à Beyrouth, marié à une chiite libanaise. Ce père très à gauche, souvent exilé, parfois emprisonné, était un drôle de laïc, jusqu' à aller expédier ses filles chez des bonnes soeurs catholiques et communistes ! Il a appris à sa fille le goût de la liberté, alors que Beyrouth, "tartuffée" dans son exhibitionnisme, soi-disant festoyante, baroque, jouissive, s'enfonçait dans la guerre et l'obscurantisme religieux...

Le soir des funérailles de son père, Darina va pousser son premier cri. Le Coran jaillit d'un magnétophone, et ça la fait bondir, parce que son père aurait tellement voulu qu'on lui passe un morceau de jazz plutôt que le Coran... Alors elle coupe le son. Et à la place, on entend Nina Simone... Et ça rend furieux la famille, les clans, les barbus... Ils vont lui faire payer très cher, à Darina, sa soif d' indépendance et de liberté...

La langue de Darina Al Joundi est crue, rebelle, rageuse, sardonique, et toujours vraie. Les mots claquent, le rire agonise peu à peu. Réduite bientôt à une petite bougie à ras du sol, ce qui reste de lumière enveloppe peu à peu toutes les Nina Simone de l'Orient rouge sang, tous ces cris aliénés au féminin pluriel que seule une déesse afro-américaine a su transformer en chant universel. La pièce a pour titre "Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter".

Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter, de et avec Darina al Joundi, mise en scène Alain Timar, à la Maison des Métallos (Paris 11e) jusqu'au 17 mai. Coup de projecteur sur TSF lundi 5 mai à 6h30, 8h30, 13h et 17h

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