La chambre d'à côté
La vie, l'amour, et surtout la mort... Dans la famille des films solennels et parfois empesés de Pedro Almodovar, "La Chambre d'à côté" occupe plutôt le haut du panier grâce à sa retenue et son aquarelle chromatique. Lion d'or à Venise.
Du jaune, du vert, une blonde, une rousse... Dans un récit a priori bien sombre, Pedro Almodovar joue des couleurs et des teintes. La rousse, c'est Julianne Moore qui, après son bras de fer avec Natalie Portman dans May December, adoucit son jeu au chevet d'une amie de longue date, Tilda Swinton, toute en blondeur terminale puisqu'elle incarne ici une femme atteinte d'un cancer et qui a choisi de mourir au moment où elle le décidera, dans une belle demeure au milieu de la forêt.
La seconde a prévenu la première: si la porte de sa chambre est fermée le matin, alors c'est qu'elle sera passée à l'acte. Ce voisinage a des accents hitchcockiens, mais c'est d'abord la retenue et la fragilité qu'Almodovar met en scène. Tilda Swinton y mêle aussi, parfois, un soupçon d'agressivité ou de manipulation sans pour autant faire dégénérer le climat dans les enfers relationnels qu'un certain Bergman filmerait avec délectation.
Ainsi le cinéaste espagnol évite-t-il, à travers ce Persona en pente douce, la froideur qui semblait le menacer pour son premier film tourné en anglais. On n'est pas forcément dans le registre qu'on affectionne le plus chez lui, celui de la légèreté apparente (La Piel Que Habito, Madres Paralelas...) qui enchante par sa profondeur, mais dans la catégorie des films solennels, introspectifs et parfois empesés (jusqu'au plombant Douleur et gloire ...), ce nouvel opus occupe plutôt le haut du panier.
On n'en retiendra pas tant, au final, les digressions sur un monde en déshérence hanté par le changement climatique, le néo-libéralisme et la montée de l'extrême-droite, thématiques lourdement introduites par un personnage d'ex-amant joué par John Turturro, mais plutôt les interstices de sérénité avant la mort annoncée que s'offrent les deux personnages féminins compte tenu de leur bagage socio-culturel: une toile d'Edward Hopper, un film avec Buster Keaton ou encore l'épilogue enneigé si poignant des Gens de Dublin, de John Huston... Dans ces moments-là, La Chambre d'à côté fait chaud au cœur.
La Chambre d'à côté, Pedro Almodovar, Lion d'or à la Mostra de Venise (sortie en salles ce mercredi 8 janvier)