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Juste sous vos yeux

Le lundi 26 septembre 2022, par Laurent Sapir
Discret et prolifique, le réalisateur sud-coréen Hong Sang-soo accentue, avec "Juste vos yeux", son univers minimaliste sans forcément retrouver le mystère de ses films précédents.

Quinze films en dix ans dans le CV d'Hong Sang-soo... Véritable Stakhanov du cinéma sud-coréen, ce réalisateur a construit au fil des années une œuvre dont l'économie de moyens pourrait faire système si elle n'était pas chevillée à un sens de la délicatesse qui ne dissipe en rien l'intensité des sentiments qu'il met en scène. D'infinies variations, ponctuées parfois de pointillés plus vertigineux les uns que les autres, déploient et déplient cet univers dans un même mouvement parfois alcoolisé. Même si l'ébriété chez lui est vaccinée contre toute vulgarité, et qu'elle est toujours filmée avec une sorte de... sobriété.

C'est à nouveau le cas dans Juste sous vos yeux lorsqu'entre deux verres censés vous arracher quelques secrets, une comédienne disparue des écrans confie au jeune réalisateur qui rêve tant de tourner avec elle la raison pour laquelle elle ne peut pas exaucer son vœu. Le spectateur s'en doutait un peu. La tension qui affleure lorsque cette femme aux traits tirés retrouve sa sœur alors même que les deux frangines prennent le café près d'une splendide rivière, la manière dont elle semble savourer en direct le moindre brin d'herbe "juste sous ses yeux" tout en exprimant en voix-off une sorte de prière dédiée au présent et à la beauté du monde... Autant d'éléments qui suggèrent des lendemains incertains sans même la possibilité d'un véritable réconfort masculin, Hong Sang-soo n'ayant jamais nourri trop d'illusions à ce propos...

Le réalisateur paraît en revanche plus qu'économe en variations autour de cette ode à l'éphémère qui prend parfois des atours simplistes. On se prend dès lors à regretter le noir et blanc embué et l'étrangeté de ses derniers films, leur caractère circulaire également entre divers personnages, de Hotel by the River à Introduction, sans oublier le poignant Le Jour d'après. Manquent aussi à l'écran la beauté écorchée de sa muse, Kim Minh-Hee, ou celle tout aussi marquante de Mi-so Park dans Introduction.

Juste sous vos yeux, Hong Sang-soo (En salles depuis le 21 septembre)

 

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