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SOLITUDE
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Hotel by the river et La Femme qui s'est enfuie

Le dimanche 26 juillet 2020, par Laurent Sapir
Hong Sangsoo tout en délicatesse enneigée dans "Hotel by the River" et en frugalité miniature dans "La Femme qui s'est enfuie". Beaucoup d'émotion gorgée d'étrangeté dans le premier de ces deux films, et un charme qui opère toujours autant dans le second.

Dans Le jour d’après, elle brouillait déjà les médianes. Sous le regard amoureux de son compagnon-cinéaste, Kim Minhee n’était en rien concernée par le triangle mari-femme-maîtresse qu’Hong Sangsoo dépliait à sa manière. Et pourtant, on ne voyait qu’elle. Même décentrage dans les deux opus à venir du cinéaste sud-coréen. Sa muse n’a beau être qu’un regard extérieur sur d’autres personnages, c’est ce regard qui devient la matière même du film.

Ou presque. Dans Hotel by the River, la voici spectatrice avec une amie des affres d’un vieux poète dont on ne saurait se désintéresser. L’homme a trouvé refuge en plein hiver dans un hôtel étrangement vide au bord du fleuve Han. Imprégné du sentiment de sa mort proche malgré son bon état de santé, il convoque ses deux fils auprès de qui il n’a pas vraiment été un père exemplaire. Confidences chuchotées, parfois cruelles, entre deux gorgées de soju… Hong Sangsoo les enrobe d’un noir et blanc enneigé, plus cotonneux encore que dans Le jour d’après. Quand le vieux poète croise Kim et sa copine, il n’a pas grand-chose à leur dire à part célébrer leur beauté. On dirait un testament.

L’asymétrie entre le trio masculin et le duo féminin prend une tournure irréelle. Le personnage de Kim Minhee nous est d’abord présenté comme en proie à une rupture amoureuse, mais nous n’en saurons guère davantage. Les deux femmes ne semblent être que les « bordures » des retrouvailles entre le père et ses deux fils, et lorsqu’elles partagent avec eux le même restaurant, c’est Kim Minhee qui insiste pour refuser toute prise de contact, comme si une poésie de la féminité aussi insulaire que mystérieuse était en jeu.

La femme qui s’est enfuie prend des tonalités plus rohmériennes, puisque c’est toujours et d’abord à Rohmer qu’on pense lorsqu’il est question de Hong Sang-soo. Sa muse y campe une épouse comblée (quoique…) rendant visite à trois anciennes amies, mais à chaque fois, la conversation est perturbée par des irruptions masculines. La manière avec laquelle Kim Minhee écoute en creux ses interlocutrices, semblant masquer une fois de plus le tréfonds de son âme, voire de ses tourments, fait tout le charme de ce film moins dense, certes, que Hotel by the river, mais tout aussi diététique de par sa frugalité miniature.

Hotel by the River (Sortie le 29 juillet), La Femme qui s’est enfuie (30 septembre), deux films de Hong Sangsoo

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