Dimanche 4 mai 2025 par Laurent Sapir

À qui sait attendre

Des hauts et des bas dans le nouveau Michael Connelly. Si l'intrigue principale donne lieu à un crescendo magistral, le reste laisse plus songeur, surtout quand l'auteur se prend les pieds dans le tapis en évoquant la mythique affaire du "Dahlia noir". N'est pas James Ellroy qui veut...

 

Elle se définit elle-même comme une affaire non résolue. Quand elle s'échappe un peu de son unité dévolue aux "cold cases" au sein du LAPD (Los Angeles Police Department), Renée Ballard affiche une vulnérabilité qui la rend encore plus séduisante. "Elle aimait encore plus attendre la vague que la surfer", nous indique d'emblée Michael Connelly au sujet de son enquêtrice mi-blanche mi polynésienne, dauphine désignée d'Harry Bosch, comme pour mieux souligner ses flottements et ses décalages, même lorsqu'elle chevauche ses rouleaux préférés. Renée Ballard ne dort pas bien la nuit. Peut-être parce qu'elle gobe trop d'horreurs, d'après sa psy, ou alors parce qu'elle est sans nouvelles d'une mère vaguement indigne à la suite d'incendies qui ont dévasté Hawaii. 

Si réussie soit-elle, cette entrée en matière donne pourtant matière à un récit plus inégal que les récents exploits de Mickey Haller, l'avocat demi-frère de Bosch. Suite à une escapade balnéaire ponctuée par le vol de ses papiers et de son badge, la jeune femme se lance dans la traque bien poussive d'émeutiers du Capitole qui préparent un attentat. Bosch lui prête discrètement main forte, mais sans l'initier cette fois-ci au jazz. Il est vrai qu'il a d'autres soucis, côté santé... 

Surgit alors Maddie Bosch, la fille d'Harry, prête à épauler Ballard au sein de son unité des affaires non résolues L.A. Son profil, hélas, ne brille guère par ses aspérités. On est d'ailleurs encore plus accablé lorsque cette nouvelle auxiliaire prétend pouvoir résoudre la mythique affaire du Dahlia Noir liée à l'assassinat peu ragoûtant d'une jeune femme aux rêves de starlette en 1947. Miracle, des traces de sang dans un garage lui suffisent pour refermer ce dossier. L'affaire avait inspiré à James Ellroy l'un de ses romans les plus célèbres, sauf que Michael Connelly n'est pas James Ellroy.

Il faut attendre la seconde partie du livre pour que l'auteur se concentre sur son intrigue principale. Lancée dans l'identification puis la poursuite d'un "violeur à la taie d'oreiller", l'unité de Renée Ballard se montre d'autant plus efficace qu'elle agit groupée. Le nouveau Connelly prend alors magistralement sa vitesse de croisière, mettant notamment en valeur Colleen Hatteras, l'une des bénévoles de l'équipe spécialisée dans la généalogie génétique tout en faisant vaguement office de médium. Tour à tour encombrant, fascinant et poignant, ce personnage contribue grandement à rendre ce nouvel opus plutôt convaincant... "à qui sait attendre" que la mayonnaise prenne.

À qui sait attendre, Michael Connelly (Calmann-Lévy)