Sans l'ombre d'un doute
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Harry Bosch se souvient de Wayne Shorter et file un sacré coup de main à Mickey Haller, son demi-frère avocat, lorsqu'il s'agit d'innocenter une mère de famille d'origine mexicaine. Excellent cru Connelly 2024.
Trois ans après L'Innocence et la loi, l'ex-inspecteur Harry Bosch fait de nouveau une infidélité à Renée Ballard, l'enquêtrice aquatique (elle faisait du surf lorsqu'elle est apparue pour la première fois dans la galaxie "connellienne"...) qui a tant marqué ces dernières années l'univers de l'auteur californien. Le lecteur n'y perd pas au change, puisque c'est de nouveau le demi-frère de Bosch, l'avocat Mickey Haller, qui est au cœur de ce "thriller de prétoire", un genre où décidément Michael Connelly excelle.
Toujours aussi fanfaron, "l'avocat à la Lincoln", même s'il laisse davantage d'espace ici à Harry Bosch qu'il a embauché comme associé et chauffeur pour qu'il puisse bénéficier d'une assurance santé privée. Ce dernier, on le sait, a mis un premier genou à terre au début des années 2020 lorsqu'il a appris qu'il était atteint d'une forme de leucémie. De quoi l'humaniser encore plus sans pour autant amoindrir son efficacité malgré un instant de doute sur son état mental dans ce nouvel opus. Sa sensibilité jazz, elle, reste intacte comme en témoigne sa réaction lorsqu'il apprend la mort de Wayne Shorter.
En attendant, c'est l'heure de toutes les remises en cause pour les deux demi-frangins: Haller ne rime plus avec mercenaire. Seuls l'intéressent désormais les innocents avec au bout du chemin la "marche de la résurrection", autrement la dit la sortie de prison, lorsque "les dernières portes métalliques s'ouvrent comme les portes du paradis et qu'un homme ou une femme marche vers les bras de ses proches, ressuscité dans la vie et la loi ". Quant à Bosch, qui a longtemps servi dans les rangs du LAPD (Los Angeles Police Department), il a lui aussi viré sa cuti en travaillant désormais pour le camp adverse. Le voilà enfin convaincu par la noblesse du métier d'avocat face au pouvoir et à la force de l'Etat -surtout dans un tribunal fédéral. Il va même jusqu'à comparer son demi-frère à un homme qui, tenant une planche de surf, voit arriver une vague de 30 mètres de haut, "prêt à pagayer pour aller affronter ce mur d'eau "...
Lucinda Sanz mérite bien en tout cas qu'on "pagaie" pour elle. Emprisonnée pour le meurtre de son ex-mari, un shérif-adjoint impliqué dans des activités douteuses, cette mère de famille d'origine mexicaine a joué de malchance: un faux test résidus de tir, un premier défenseur brillant par sa médiocrité, son incompétence et sa vénalité... Le tandem Haller/Bosch va heureusement colmater tous ces trous d'air du côté de Quartz Hill, cette "banlieue de la banlieue" de L.A qui fut autrefois une ville du désert avant d'être infestée par la drogue et les gangs. L'autre acte décisif, c'est évidemment le procès en révision sous les auspices d'une magistrate qu'on ne saurait, c'est le moins qu'on puisse dire, soupçonner d'apathie. Si Connelly avait déjà particulièrement réussi la juge Warfield dans L'Innocence et la loi, son portrait ici de la juge Ellen Coelho et le sens de la répartie qui l'anime valent encore plus le détour.
L'apparition-surprise dans le récit de Maggie McPherson, l'ex-épouse d'Haller, renforce l'intensité de ce nouvel opus par rapport au précédent, peut-être aussi parce que pour la première fois depuis bien longtemps, on n'a pas deux ou trois intrigues parallèles d'intérêt divers qui se font concurrence, mais bien une seule "marche de la résurrection" en vue, laquelle occupe quasiment tout l'espace du livre.
Sans l'ombre d'un doute, Michael Connelly, Calmann-Lévy