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Un métier idéal

Le dimanche 15 décembre 2013, par Laurent Sapir

Et revoilà l'acteur-culte, le brûleur de planches, Hamlet+les cheveux en pétard. Depuis 10 ans, depuis La Vie de Galilée au théâtre de Gennevilliers, il a épuisé tous les superlatifs. De toute façon, c'est toujours le même qui revient au sujet de Nicolas Bouchaud : dantesque. Pas seulement parce qu'il a joué Danton. Il y a trois ans, tel un jazzman passant à autre chose après avoir brillé en jam session, il se lance dans l'aventure en solo. Avec la complicité d'Eric Didry côté mise en scène, l'interprète-phare de Jean-François Sivadier s'installe sans filet sur la scène parisienne du Rond-Point avec un spectacle poignant, tordant et plein d'esprit autour du critique de cinéma Serge Daney.

Nicolas Bouchaud y gagne une nouvelle liberté et un sens du jeu décuplé, ne serait-ce que dans une relation avec le spectateur qui va bien au-delà de la malice interactive. Il s'adresse encore à nous, toujours au Rond-Point. Questions parfois très intimes auxquelles on répond intérieurement tout en se laissant happer par le moindre de ses haussements de sourcil. Il porte une blouse blanche, à présent. Celle d'un médecin de campagne au fin fond de l'Angleterre. Le texte est tiré d'un ouvrage méconnu de John Berger, mais avec quelques espiègleries en bonus. La mallette transformée en boîte à rythmes, par exemple. Ou encore les bonnes blagues du métier ("Un docteur ausculte un malade -Monsieur, vous n'avez plus que deux mois à vivre -Très bien. Je prends juillet-août ! " )...

Mais il n'y a pas que des espiègleries dans la pièce. Au contact de pathologies diverses et variées, notre homme apprend l'art de l'écoute auprès de patients se donnant "corps et âme" à sa science du diagnostic. Problème:  comment ausculte-t-on l'âme ? Où va se nicher le stéthoscope quand le symptôme découle d'abord de la psyché ? Et puisque dans la relation entre le docteur et le patient, le médicament le plus sollicité est le docteur lui-même, quelle "dose" de soi faut-il administrer pour soulager le malade?

La question ne vaut pas que pour le médecin. Un parallèle plus poétique que didactique s'esquisse, au fil de la pièce, avec un autre "métier idéal"...  L'acteur ne doit-il pas, lui aussi, "prendre la température" de la salle tout en se dépatouillant avec quelques grands malades du répertoire style Alceste ou le Malade Imaginaire ? Un souvenir, soudain. L'acteur en pleine dépression carabinée quand il jouait Le Roi Lear aux Amandiers de Nanterre en 2007... Cette confession arrachée nous dit peut-être l'essentiel de ce qui subjugue en Nicolas Bouchaud. Un monstre sacré, certes, mais à visage humain.

Un métier idéal, Nicolas Bouchaud (Théâtre du Rond Point, à Paris, jusqu'au 4 janvier, et sur une mise en scène d'Eric Didry). Coup de projecteur avec le comédien, sur TSFJAZZ, ce mercredi 18 décembre (12h30)

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