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SUSIE ARIOLI

Titane

Le samedi 17 juillet 2021, par Laurent Sapir
Métal hurlant ou métal froid ? Auréolé d'une navrante palme d'or, le "Titane" de Julia Ducournau pousse la passion de la tôle et des corps maltraités dans ses aspects les plus sordides et les moins intéressants.

C'est tout de même pousser loin l'amour de la tôle. Alexia, tueuse en acier trempé greffée d'une plaque en titane dans le crâne après un accident, tombe enceinte d'une bagnole. Son ventre s'arrondit en mode Alien, le fluide qui s'en échappe ressemble à de l'huile de vidange. Fuyant la police, la peu aimable androgyne se fait passer pour le fils autrefois disparu d'un brave chef-pompier joué par Vincent Lindon. Ravagé de partout, le bonhomme fait semblant de ne pas voir le simulacre.

Croisant à sa manière le Crash de Cronenberg et le Christine de CarpenterJulia Ducournau entend surtout ici retomber sur ses pattes de nouvelle égérie du film de genre à prétention auteuriste. Nous ne l'avons pas vu mais la chair était déjà bien triste, paraît-il, dans son premier coup d'éclat, Grave. Pour le reste, son odyssée des corps-machines tendance transgenre aurait sans doute inspiré un Maurice G.Dantec, le vernis féministe en moins.

La jeune réalisatrice, quant à elle, préfère se regarder dans le miroir tout en bifurquant dans trop de directions à la fois. Sa danseuse des salons de l'auto nous distrait un moment, surtout quand elle se débarrasse des types trop lourds, mais lorsqu'il s'agit de convoquer des sentiments plus émus au travers de ce lien improbable avec le personnage joué par Vincent Lindon, on reste placidement à quai malgré une B.O bien hype à souhait.

On n'oubliera pas de sitôt la ridicule réplique: "Pousse, Adrien ! " qui ponctue l'un des moments les "titanisants" du film. Pas de quoi, hélas, transformer tout ce métal froid  palmé or à Cannes en métal hurlant. Clinquants et maltraitants (ces carcasses perforées, écrasées, éventrées, trucidées, c'est ça, le cinéma de demain ?), sordides et nombrilistes, pathétiques, mentalement décharnés et un peu bouffons comme ce pauvre Lindon qui croit se réinventer sous le sceau d'une radicalité snobinarde, les diables aux corps de Julia Ducournau ne suscitent finalement que l'indifférence.  

 TitaneJulia Ducournau, Palme d'or du festival de Cannes 2021 (le film est sorti mercredi)  

 

 

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