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The Greatest Night in Pop

Le mardi 20 février 2024, par Laurent Sapir
Quand Netflix exhume avec bonheur une certaine idée de l'Amérique... C'était en 1985, à l'occasion de l'enregistrement de la chanson "We Are The World".

Autour de minuit et jusqu'à l'aube, des légendes en rafale:  Ray Charles a mal au ventre, Tina Turner a la dalle, Stevie Wonder la ramène, Bruce Springsteen déchire tout, Bob Dylan finit enfin par sourire, Cindy Lauper doit enlever ses boucles d'oreille, Al Jarreau est bourré, Diana Ross ne veut pas que cela s'arrête, Michael Jackson assure, Harry Belafonte parraine, Quincy Jones dirige et reste zen... ou presque. Pur bonheur, ce documentaire Netflix sur les coulisses et l'enregistrement de la chanson We are the world, dans la nuit du 28 janvier 1985, aux Studios A & M à Hollywood.

Ce sont au total 47 des plus grandes pop stars américaines qui sont réunies, juste après la cérémonie des American Music Awards à Los Angeles, pour l'enregistrement du fameux tube visant à récolter des fonds alors que l'Ethiopie crie famine. Les compassions les plus décomplexées sont au rendez-vous autour de cette création conjointe de Michael Jackson et Lionel Richie, mais les images d'archives scotchent d'emblée, surtout en souvenir de celles et ceux qui ne sont plus de ce monde.

Entre ego (qui aura droit à un solo ?), générosité, et aussi gros coups de fatigue, chacun chemine comme il peut dans cette longue nuit. Certains, à l'instar de Prince, n'ont même pas fait le déplacement alors qu'ils étaient invités. D'autres se cassent pendant la séance. C'est le cas du chanteur Waylon Jennings, outré par l'idée de Stevie Wonder qui propose de chanter l'un des couplets en swahili, une langue africaine qui n'est pourtant absolue pas pratiquée en Ethiopie... C'est pourtant le même Stevie Wonder qui parviendra à dérider Bob Dylan, si peu à l'aise dans ce type de chorale, en s'installant au piano et en imitant la voix du "Rimbaud du Rock".

Autre moment fou, l'hommage aussi chaleureux qu'inopiné à Harry Belafonte, à l'origine de cette initiative. Soudain, toute la troupe reprend a cappella son hit, Banana Boat Song... Les échanges d'autographes valent également le détour, tout comme la classe immense de Quincy Jones menant tout ce beau monde à la baguette... En MC soucieux de rassurer tout ce beau monde, Lionel Richie se montre aussi particulièrement émouvant.

A huit heures du matin, la chanson est dans la boîte. La réentendre aujourd'hui en revoyant également le clip réalisé à l'époque a presque valeur de réhabilitation. Les paroles sont affligeantes, certes, mais harmoniquement et au niveau des arrangements signés Quincy Jones, le morceau se tient avec sa pointe de gospel, ses chœurs et son fameux "bridge" faisant intervenir Michael Jackson, Huey Lewis, Cyndi Lauper et Kim Carnes. On est tout aussi bluffé par les assomptions finales de Bob Dylan et Ray Charles, et carrément troublé, enfin, par l'absence -ou la neutralisation- de toute polarisation entre artistes noirs et artistes blancs. Comme une parenthèse américaine.

The Greatest Night in Pop, un documentaire de Bao Nguyen, actuellement sur Netflix.

 

 

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