Dimanche 6 octobre 2024 par Laurent Sapir

The Apprentice

La jeunesse de Donald Trump a inspiré au réalisateur d'origine iranienne Ali Abbasi un récit brillant et punchy. Pas certain, cependant, qu'il fasse réellement basculer l'actuelle campagne des présidentielles aux Etats-Unis...

 

En digne chasseur de monstres dont il traque quelques restes -ou devenirs- d'humanité, l'excellent réalisateur iranien Ali Abbasi (Border, Les Nuits de Mashhad...) a jeté son dévolu sur le tout jeune Donald Trump. The Apprentice, du nom de ce fameux show de téléréalité animé dans les années 2004-2017 par l'ex-président et candidat à sa réélection, le projette dans une vie antérieure encore plus évocatrice. Déjà bouffi d'ambition mais dénué de tout charisme, Trump Junior fait peine à voir, surtout lorsque son paternel, un baron de l'immobilier tout aussi imbuvable, l'astreint à collecter des loyers d'immeubles, à la merci du premier locataire irascible.

C'est un avocat bien moins falot, Roy Cohn, qui modifie cette trajectoire. Ex-collaborateur de McCarthy se targuant d'avoir envoyé dans les années 50 le couple Rosenberg sur la chaise électrique, le bonhomme ne s'encombre guère de scrupules. Tout en acceptant de défendre la famille Trump au sujet de soupçons de discriminations envers des demandeurs de logements noirs, il inculque à son poulain trois règles absolues: attaquer, toujours nier et ne jamais s'avouer vaincu. Le futur président américain retiendra ces leçons, jusqu'à sacrifier au passage son mentor qui va mourir du Sida après avoir passé sa vie à insulter les homosexuels, tel un J.Edgar Hoover tout aussi doué dans ce genre de tartufferie.

De facture plus classique que les deux précédents films d'Ali Abbasi, The Apprentice reste néanmoins propulsé par la folle énergie de sa mise en scène. Par leur seul grain d'image, les années 70 y apparaissent diablement "scorsesiennes" (comme d'ailleurs le jeu de Jeremy Strong en Roy Cohn...) et aussi frénétiques que le New York de cette époque, alors qu'une lumière plus artificielle baigne les années 80, quand Trump devient de plus en odieux, violant sa première épouse ou alors laissant son frère glisser vers le suicide. 

Pas sûr en revanche, même dans la prime jeunesse de son personnage principal, que le réalisateur ne soit réellement parvenu à l'humaniser. Cela n'enlève rien à la performance de Sebastian Stan, peu à peu cannibalisé par les tics de langage et d'apparence trumpiens. On se demande comment le prix d'interprétation masculine lui a échappé au dernier Festival de Cannes.

The Apprentice, Ali Abbasi, Festival de Cannes 2024, sortie en salles ce mercredi 9 octobre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

le réalisateur iranien