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WHEN YOU WISH UPON A STAR
KENNY WERNER/TOOTS THIELEMANS

Synonymes

Le mardi 26 mars 2019, par Laurent Sapir
Premier film israélien à avoir obtenu l'Ours d'or au festival de Berlin, "Synonymes" débarque sur les écrans français précédé d'un sacré buzz. La déception est à la hauteur des attentes.

C'est la guerre des synonymes autour de Synonymes, de Nadav Lapid. "Étincelant", "gonflé", "subjuguant", "fascinant", déroule en légion conquise une grande partie de la critique. "Surfait", "incongru", "tapageur", "raté", déclinent au contraire de rares esprits retors dont nous sommes alors que ce premier film israélien à s'être vu décerné l'Ours d'Or à Berlin avait pourtant tout pour nous enthousiasmer.

Tout, à commencer par un sujet en or: Noav, jeune Israélien débarqué à Paris sans le sou, ne veut plus parler l'hébreu. Sa seule obsession ? Fuir cet Israël "méchant, obscène, ignorant, idiot, sordide, fétide"... Sa passion des synonymes, à-ce-propos, est infinie, même si l'un de ses interlocuteurs lui fait remarquer que cela fait beaucoup d'adjectifs pour un seul pays. Son fantasme français va pourtant trébucher de désillusion en désenchantement.

Surtout lorsque la vie parisienne prend le double visage d'un jeune couple bourgeois (Louise Chevillotte et Quentin Dolmaire) à la libido défaillante. Leur bienveillance initiale, lorsqu'il s'agit de recueillir le jeune Israélien qui s'est fait voler tous ses vêtements, prend une tournure viciée mêlant hypertrophie du statut social et désirs secrets. Ce "collapse", Nadad Lapid le déploie au travers d'un parti-pris de mise en scène aussi atypique que peu opérationnel.

Au style brut et charnel de Tom Mercier dans la peau de Noav, il oppose le jeu "bressonien" et littéraire de ses "amis" français, sauf qu'aucune grâce propre au réalisateur de Pickpocket ne vient transcender cette apparence de fausseté. La vivacité revendiquée tourne à la pose, voire à l'incompréhension lorsque l'allergique à l'hébreu se pique de vouloir décrocher un job à... l'ambassade israélienne ! Quant aux envolées burlesques induites par d'autres personnages (le sioniste bodybuildé coiffé d'une kippa qui chante à tue-tête dans le métro, par exemple...), elles ne font que déconcerter d'avantage.

Synonymes, dés lors, n'a plus qu'à s'écouter parler et se regarder filmer au gré de plans faussement nonchalants sur les ponts de Paris avec de temps en temps quelques tics à la Godard, et surtout un regard dont la maturité ne va pas de soi. Le couple bourgeois méritait-t-il une approche aussi caricaturale ? La tension sexuelle autour du personnage principal, qui semble passionner le metteur en scène, devait-elle culminer dans une séquence pénible avec un artiste lubrique ? Seule l'apparition de Léa Drucker en formatrice dispensant des cours de civisme à des candidats à la nationalité française apporte un brin de mordant et d'authenticité à un film qui en manque singulièrement.

 Synonymes, Nadav Lapid (Sortie en salles ce mercredi 27 mars)

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

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