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GONZALO BERGARA

Sunset

Le mardi 19 mars 2019, par Laurent Sapir
Après "Le Fils de Saul", "Sunset"... Même type de mise en scène rugueuse, obstinée et organique de la part de Làszlo Nemes, sauf que cette fois-ci, rien ne fonctionne à l'écran.  

Quand c'est flou, il y a un loup, selon la formule consacrée. Mais quand c'est flou devant la caméra de László Nemes, ce n'est plus un loup mais une meute entière, barbare et spectrale, qui fragmente l'écran, réinventant notre regard comme ce fut le cas en 2015 avec Le Fils de Saul, cet oratorio épouvanté arraché au trou noir de la Shoah à travers le destin d'un prisonnier juif forcé de seconder les Nazis dans la mise à mort des siens.

Cinq ans ont passé, et c'est une toute autre immersion que nous propose le jeune cinéaste hongrois avec toujours cette façon de coller au labyrinthe mental d'un personnage en rendant lacunaire, aux yeux du spectateur, ce qui constitue son environnement immédiat. Budapest, 1913. Dans l'atmosphère raffinée mais viciée d'un empire austro-hongrois fissuré de partout, une dame au chapeau (Juli Jakab) recherche son anarchiste de frère soupçonné d'avoir tué un notable. Complots, mystères, plongée dans les bas-fonds... László Nemes restitue à sa manière une ambiance fin de monde.

Sauf que son système paraît imploser dans le magma qu'il nous impose. Tout est flou, encore une fois, autour de son héroïne, mais si le procédé était encore concevable dans Le Fils de Saul au regard de la façon dont la Shoah est déjà inscrite dans notre imaginaire, il n'en va pas de même lorsqu'on déploie comme arrière-plan la Mitteleuropa pré-14-18. Intellectualisées à outrance, les références à Kafka et Dostoïevski parachèvent le décrochage avec ce qui se déroule à l'écran.

Le résultat désole d'autant plus que László Nemes est un spécimen rare. C'est un chercheur, un explorateur de formes nouvelles liées à nos propres arythmies de conscience, qu'elles relèvent du rapport au temps ou du rendu de l'expérience sensible. On aime aussi cette idée de ne pas vouloir toujours tout montrer, voire même cette manière de moduler l'intensité d'un propos uniquement en fonction des oscillations d'un personnage principal, indépendamment du contexte ou de l'ambiance. Du grand art, assurément, bien qu'on l'aurait préféré à visage plus humain.

SunsetLászló Nemes, sortie en salles ce mercredi 20 mars.

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