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YOU'RE BLASE
ELLA FITZGERALD / STAN GETZ

Priscilla

Le dimanche 07 janvier 2024, par Laurent Sapir
Graceland, morne plaine... Peinant pour une fois à renouveler son univers, Sofia Coppola transforme l'odyssée existentielle de l'unique épouse d'Elvis Presley en une succession de vignettes.

Trames chuchotées, vernis amer, captives insaisissables s'efforçant tant bien que mal de faire éclater la bulle qui les retient prisonnières... L'odyssée de Priscilla Presley, tyrannisée et surtout chosifiée par le "King" dans sa prison dorée de Graceland, ne pouvait que fasciner Sofia Coppola... et c'est bien là où le bât blesse: le film ressemble trop à sa réalisatrice, faisant presque office de "best of" désincarné d'une oeuvre dont on avait tant apprécié les prolongements les plus audacieux, aussi bien dans la mise à nu d'un coup de blues masculin  (Somewhere) que dans la relecture époustouflante d'un film de Don Siegel  (Les Proies).

La sensibilité féminine -et féministe- de la réalisatrice se déclinait alors de manière bien plus subtile que dans sa retranscription des mémoires de l'unique épouse d'Evis Presley. L'entame du récit laisse pourtant espérer de singuliers frissons à travers la rencontre en Allemagne entre la collégienne de 14 ans et le chanteur qui accomplit son service militaire. Dix ans les séparent ! De fait, le malaise précède le trouble, le glamour côtoie le glauque, et la lumière à l'étouffée qui enrobe ce début de romance à fort coefficient de toxicité en renforce la sourde stridence, à l'instar du jeu inquiétant que délivre dans la peau du "King" Jacob Elordi, déjà bien bluffant dans Saltburn.

L'entrée de la jeune "princesse" (Cailee Spaeny, plus à l'aise en nymphette fragile qu'en épouse brimée...) dans Graceland fait entrer le film dans un autre registre. Semblant vouloir retrouver l'élan de sa cultissime Marie-AntoinetteSofia Coppola y fétichise laborieusement, en mode sixties cette fois-ci, la solitude de son héroïne. Elle use dans le même temps de gros sabots, notamment dans les dialogues, pour monter et dénoncer l'emprise que son mari exerce Priscilla. Trop à distance de l'enfer qu'elle dépeint, la réalisatrice laisse ainsi l'odyssée existentielle tant attendue se transformer en une succession de vignettes, le tamisé virant peu à peu au délavé, jusqu'à la très artificielle "libération" finale sur un air de Dolly Parton. Ouf, on a échappé à Céline Dion.

Priscilla, Sofia Coppola (en salles depuis le 3 janvier)

 

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