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SWEET GEORGIA BROWN
BROTHER BONES & HIS SHADOWS

Pina

Le dimanche 03 avril 2011, par Laurent Sapir

Je me souviens que dans "Avatar", le blockbuster un peu surfait de James Cameron, on oubliait peu à peu qu'on avait affaire à des images en relief. Rien de tel avec "Pina", de Wim Wenders, magistrale épitaphe en 3D à la gloire de cette immense prêtresse de la chorégraphie contemporaine qu'était Pina Bausch. Il est vrai qu'en matière de danse, le recours à une technologie donnant, par essence, du volume au corps, procure des sensations et des émotions qui se régénèrent tout au long du film, sans rien épuiser par ailleurs de l'art et de la poésie propres à Wim Wenders.

Tout, à vrai dire, est "wendersien", dans "Pina", à commencer par ce redimensionnement en 3D du rapport au corps. Donner du volume au corps, c'est l'ultime réponse, technologiquement parlant, à cette quête obstinée que poursuivent tous les personnages de Wim Wenders : consumés dans un silence qui fait au départ paravent à toute mise à nu,  les anges des "Ailes du désir", le Travis de "Paris, Texas", ou encore le photographe d' "Alice dans les villes" peinent à s'incarner, au sens littéral du terme, et à "donner corps" à leurs élans amoureux ou affectifs... Il en va de même avec les danseurs de Pina Bausch qui ne peuvent exprimer leur dette à la chorégraphe qu'en voix off.

Seule la puissance du 3D parait enfin les  "délivrer" dans le travail de deuil entamé il y a deux ans. strong>Wim Wenders a travaillé avec eux comme le faisait Pina Bausch. Puisque la parole a du mal à sortir en live, c'est le geste chorégraphique qui fait office de tribute... Un geste que le réalisateur allemand extériorise dans tous les sens du terme, jusqu'à re-scénographier les spectacles ("Vollmond", "Café Müller", "Le Sacre du printemps" et "Kontakthof") dans un environnement naturel ou urbain. Sur un quai de gare,  au bord d'une falaise, sous des arbres ou avec en perspective un motorail suspendu, "Pina" danse avec l'univers... Chez Wim Wenders décidément, on retrouve toujours cette envie d'échapper au huis clos, de ne pas garder ses désirs pour soi et de se coltiner au réel, à la matière et aux scories du monde.

C'était d'ailleurs, d'une certaine manière, ce que faisait Pina Bausch, chaque année, quand elle présentait au Théâtre de la Ville la miraculeuse alchimie de ses résidences à l'étranger. Elle est encore là, bien sûr... Elle apparaît en saccades, Pina, comme un "relief" supplémentaire, dans ce documentaire qui est d'abord un VRAI FILM de cinéma. Elle fait contrepoint aux vertiges du 3D  tel un fantôme d'archives dont chaque apparition étreint l'âme. C'est la 2ème fois, après "Nick's Movie", que la mort s'invite dans un projet wendersien, mais c'est l'hymne à la vie qui triomphe, ici, sur l'air du lancinant  "West End Blues" (La référence n'étonnera pas de la part du réalisateur de "Buena Vista Social Club" et "Soul of a Man"),  et dans la chaleur d'une troupe qui a trouvé auprès de l'un de nos plus grands cinéastes européens la ferveur qui lui permettra, on l'espère, de repartir vers l'avant.

"Pina" de Wim Wenders (Sortie en salles le 6 avril) matinale spéciale et coup de projecteur sur TSFJAZZ ce lundi 4 avril (8h-9h, 11h30, 16h30)

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