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Only God Forgives

Le dimanche 26 mai 2013, par Laurent Sapir

Après le glamour vroum vroum, falot et insipide de "Drive", Nicolas Winding Refn est passé à la vitesse supérieure. Epuré et tranchant comme le sabre (motif essentiel du récit), son "Only God Forgives" baigne dans une poésie urbaine rouge-sang nimbée de bombasses asiates et qui hypnotise jusqu'au dernier plan à force de n'obéir qu'à son propre mouvement.

On cherchera en vain, ici, ligne droite et virages. Le film n'obéit pas non plus à une logique circulaire. Le spectateur serait plutôt envoûté par la géométrie plane (et planante...) d'une vengeance impossible dans les bas-fonds de Bangkok. Censé trucider l'assassin de son camé de frangin qu'un mauvais trip a amené à massacrer une prostituée de 14 ans, Ryan Gosling fait du surplace, ce qui est carrément suicidaire face à un flic samouraï qui compense ses penchants fleur bleue et karaoké par une fâcheuse tendance à éviscérer ou énucléer tout ceux qui lui résistent.

Looser magnifique, le nouveau playboy d' Hollywood encaisse dés lors coup sur coup avant d'être défiguré façon Marlon Brando dans "La Poursuite Impitoyable". Les poignets attachés pendant que sa copine se masturbe, l'acteur subit ensuite les fureurs d'une mère maffieuse et incestueuse (Kristin Scott-Thomas, hallucinée et hallucinante...) qui, en fin de compte, représente la seule matière organique du film par opposition à la transe chimique qui l'entoure.

Pas étonnant que la comédienne monopolise les réparties-culte du genre "Combien de queues tu as déjà diverti dans ton petit-four à bites ?"... Mais entre deux coups de sabre qui finissent par lui rabattre le caquet, la mama siliconée n'est qu'une savoureuse parenthèse au coeur du labyrinthe lynchien que Nicolas Winding Refn décline avec un art de l'ellipse amplifié par la discontinuité du montage.

Dans la pure lignée des thrillers hiératiques qui ont fait la légende d'un certain cinéma asiatique, le film multiplie ainsi travellings irisés et giclées écarlates dans un jeu très varié d'ombres et de lumières, avec en bonus une B.O. fabuleuse de Cliff Martinez sur fond d'orgues et de comptines inquiétantes. On aurait tord de confondre cette maîtrise formelle avec un simple exercice de style. Dans ce Bangkok dilaté, moite et sensoriel transformé en paradis pour psychopathes, il est tout à fait possible de fermer les yeux sur les racines du mal comme nous y invite, à un moment, l'un des personnages du film. On peut aussi les écarquiller, scotchés que nous sommes par la beauté sanglante d' "Only God Forgives".

"Only God Forgives", de Nicolas Winding Refn (sorti en salles le 22 mai)

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