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Nuit sombre et sacrée

Le mardi 06 octobre 2020, par Laurent Sapir
Publié par temps de confinement, le dernier Michael Connelly, "Nuit sombre et sacrée", perd singulièrement de son éclat lorsqu'on l'appréhende deux saisons plus tard...

Nuit sombre et sacrée, vraiment ? Même en version originale -Dark Sacred Night- le titre du nouveau Michael Connelly sonne creux et pompeux. La suite, malheureusement, ne va pas relever cette première fâcheuse impression alors même qu'on se réjouissait de la confrontation entre Harry Bosch, l'inspecteur de prédilection de Connelly, et Renée Ballard, l'intrépide enquêtrice-surfeuse dont En attendant le jour nous avait révélé l'an passé des talents et des fêlures qui donnaient encore envie d'en savoir davantage.

La rencontre entre ces deux-là, hélas, ne produit aucune électricité, tout comme les trop nombreuses enquêtes parallèles qui gravitent autour de la trame centrale, à savoir l'assassinat déjà bien ancien d'une jeune prostituée. Cela avait pourtant une certaine "griffe", au départ, cette vieille femme dévorée par son chat en plein Hollywood by night. C'est ainsi, en tout cas, qu'on retrouve en guise de première mission miss Ballard avant qu'elle ne surprenne Bosch en train de fouiner les archives du LAPD (Los Angeles Police Department) alors qu'il devrait normalement se tenir pépère dans sa réserve de San Fernando où il enquête pour son propre compte.

La tension, de fait, va assez vite retomber. Parallèlement à l'enquête commune sur la jeune prostituée, Bosch s'enferre dans de sombres règlements de comptes entre gangs hispaniques où il manque d'y laisser sa peau. Connelly ne l'a pas beaucoup gâté dans ce nouveau volet. L'ex-dur à cuir enchaîne les bévues, il se fait vieux, il n'écoute plus de jazz. La présence chez lui de la mère de la jeune victime dont il tente de retrouver le meurtrier laisse planer à un moment un parfum de mystère vénéneux avant que Connelly ne laisse ce personnage s'évanouir dans la nature la plus sordide.

Le regard de Bosch sur Renée Ballard ne fait guère plus d'étincelles. Il la reconnaît très vite comme son égale, ce qui n'est pas franchement propice à une dramaturgie originale. L'admiration est réciproque, au grand dam du lecteur qui espérait un choc autrement plus dialectique. La surfeuse n'évolue pas vraiment par rapport à l'opus précédent, et une séquence post-MeToo (un comédien accusé de viol anal sur une jeune femme pas si innocente qu'elle en a l'air...) laisse par ailleurs un sentiment de malaise. L'auteur a suffisamment de savoir-faire pour nous emmener jusqu'au bout de cette odyssée, il ménage encore quelques punchlines dont il a le secret ("On a bien trouvé un corps dans la décharge, mais ce n'était pas le bon. Du Los Angeles tout craché "), mais le compte n'y est pas. Le thriller aurait dû avoir pour titre "matins blêmes".

Nuit sombre et sacrée, Michael Connelly (Éditions Calmann-Lévy)

 

 

 

 

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