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Nouvelle Vague au Café de la Danse

Le jeudi 26 juin 2014, par Laurent Sapir

Il est timide et pas du genre à vous soûler avec les Cahiers du Cinéma. Le jeune contrebassiste Stéphane Kerecki a pourtant décidé de faire jazzer la Nouvelle Vague, sachant que Truffaut, Rohmer, et même Godard derrière ses airs de matamore n'étaient pas d'avantage extravertis. La timidité, finalement, ne renvoie qu'à l'intime, au fragile, au tremblé d'une pellicule. Ou d'un chorus. La timidité n'a rien à voir avec le retrait. Il est d'ailleurs le premier à monter au front, Stéphane Kerecki, lorsqu'il entame en solo le thème des Quatre Cents Coups au Café de la Danse où il a joué l'autre soir.

Contrebasse à vif, courant vers la mer, comme Jean-Pierre Léaud à la fin du film. D'autres vagues, encore... Ce duo plein de lyrisme sur Alphaville, par exemple, avec l'aîné du quartette, le pianiste John Taylor. On dirait un dialogue improvisé entre Godard et Jean-Pierre Melville, l'un de ses mentors. Et si ce même Godard avait son Belmondo, Kerecki a son Emile Parisien. Soprano fougueux sur Pierrot le Fou. Façon combat de boxe. Et quand vient Watch What Happens, le célèbre thème de Michel Legrand qu'on retrouve à la fois dans Lola et Les Parapluies de Cherbourg, c'est la lassitude distordue du mal-aimé qu'Emile Parisien nous fait entendre. C'est vrai qu'il n'en peut plus, Roland Cassard. De son nom, déjà. De  sa solitude, aussi. Et puis de toutes ces femmes qui lui disent ou lui font comprendre qu'elles ne l'aiment pas.

Qui d'autre que Stéphane Kerecki a ainsi saisi la noirceur secrète de Jacques Demy au-delà de la mièvrerie apparente ? Sur Lola comme sur la Chanson de Maxence extraite des Demoiselles de Rochefort, on entend déjà les intros ténébreuses de Fabrice Moreau, délicat drummer qui sait  jongler avec les couleurs, les douceurs, les soubresauts, à l'instar de sa partition dans Tirez sur le Pianiste...

Mais revenons à La Chanson de Maxence parce qu'on y entend aussi une voix qui nous brûle les tripes. Jeanne Added, donc... L'intensité et rien d'autre. Ne surjouant aucune note, aucun mot. Jusqu'à carboniser tous les maquillages glamours avec des accents à la Janis Joplin. Surtout quand elle reprend Sous le Soleil Exactement (B.O. de Gainsbourg dans Anna, autre production des sixties...), s'y exposant, s'y absorbant... Nouvelle muse pour le jazz français ? De toute façon, il n'y a pas de Nouvelle Vague s'il n'y a pas de muse. Sauf qu'elle ne s'appelle plus Anna Karina.

Stéphane Kerecki au Café de la Danse, à Paris, mardi 24 juin, autour de l'album Nouvelle Vague (Outnote records / Outhere distribution)

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