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L'Été dernier

Le mercredi 13 septembre 2023, par Laurent Sapir
Beau retour derrière la caméra de Catherine Breillat qui souffle le chaud et le froid (voire le glacial...) sur une relation interdite qu'elle aurait peut-être filmée autrement dans une vie antérieure.

On n'est pas vraiment dans l'"anatomie d'une chute ", ni même dans celle d'un désir. Pour son grand retour à la mise en scène après dix ans d'absence, Catherine Breillat filme avec une minutie de tous les tremblés ce qui se joue entre le personnage joué par Léa Drucker et son beau-fils de 17 ans, mais elle ne laisse jamais filtrer un quelconque crescendo amoureux. Dans ce qui va advenir on ne voit rien advenir, justement, à part l'ennui bourgeois, l'ambiance campagnarde et la lumière estivale qui paraissent consumer de plus en plus celle qu'on nous présente d'abord comme une avocate inflexible lorsqu'il s'agit de défendre les jeunes femmes victimes de violences sexuelles. 

Sauf que la situation se torsade subrepticement. L'ado est aussi espiègle qu'effronté, le regard tout à tour rieur, provocateur et carnivore, prêt à griffer ou à embrasser. On s'amuse dans un lac, on chante du Sonic Youth dans une Mercedes beige décapotable, on regarde une séquence de science-fiction dans un écran de téléphone portable... Et puis c'est la grosse bêtise. Ne reste plus qu'à sauver ce qui est encore sauvable, notamment lorsque le père (Olivier Rabourdin) à qui son fils s'est confié demande des explications à sa femme.

Là encore, prodigieux twist de mise en scène: toute la vulnérabilité qui semblait s'emparer du visage de Léa Drucker s'évanouit soudainement. Les lèvres se crispent, un léger rictus sombre apparaît. On appelle ça remettre le masque. Evidemment que ce gosse raconte n'importe quoi ! Comment toi, mon mari, as-tu pu un instant penser que j'étais tombée dans ses bras ? Le récit se laisse ainsi contaminer par une atmosphère chabrolienne car à vrai dire, ce n'est pas tant la transgression qui passionne Catherine Breillat comme elle inspira puissamment autrefois Bertrand Blier dans Beau-père. De fait, la réalisatrice semble plutôt s'être intéressée à la façon dont un certain ordre bourgeois absorbe cette transgression. Tout doit -tout ne peut que revenir à la normale, même en faisant semblant.

On est à la fois séduit et désarçonné par le parcours que suit ce beau et étrange Été dernier: loin des réelles embardées qui ont autant marqué une époque que son propre univers (36 Fillette, Romance où elle faisait jouer la star du porno Rocco Siffredi...), Breillat alterne de grands moments de tension autour d'une Léa Drucker constamment prodigieuse et des scènes à bas bruit, tels ces accouplements besogneux ou encore Clotilde Courau qui fait de la figuration. Résultat: un film curieusement assagi malgré son parfum d'interdit, glacial alors que le scénario est très très chaud, vénéneux au-delà de sa façade un peu plan-plan... On dirait bien que la sulfureuse d'autrefois sublime désormais son art dans l'alchimie.

L'Été dernier, Catherine Breillat, sélection officielle au dernier Festival de Cannes (Sortie en salles ce mercredi 13 septembre)

 

 

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