Lundi 26 août 2024 par Laurent Sapir

Les derniers jours du Parti socialiste

On a connu meilleur buzz en matière de rentrée littéraire... Romancier original reconverti en scribe militant, Aurélien Bellanger rame sur le souvenir d'une organisation controversée que tout le monde avait un peu oubliée.

 

Lancé dans l'orbite de Manuel Valls après les attentats de 2015 puis relégué dans l'arrière-cour médiatique après la mort de son fondateur, Laurent Bouvet, le Printemps républicain semblait avoir reçu le coup de grâce en 2022 lorsqu'en quête d'investitures législatives sous la bannière macronienne, ses représentants avaient fait chou blanc. Coup dur pour ces sentinelles autoproclamées de la République et de la laïcité dont les méthodes d'action (cyber-harcèlement, citations tronquées, divulgations sur internet d'informations sur le passé ou la vie privée...) auraient pu inspirer un récit saisissant sur une certaine idée du débat public.

Romancier jusqu'ici singulier, voire visionnaire, Aurélien Bellanger a préféré faire le buzz autrement. D'après lui, le Printemps républicain, dans son combat contre l'islamisme, aurait fait le lit de l'extrême-droite tout en synthétisant le stade ultime du Parti socialiste, prêt à sacrifier la question sociale sur l'autel des obsessions identitaires. Si la seconde partie de cette thèse n'est pas entièrement fausse, l'ensemble du raisonnement passe sous silence le fait que le Printemps républicain a théorisé, justement, son refus de la "tenaille identitaire", autrement dit le face-à-face mortifère entre l'islam politique et l'extrême-droite. 

Il en résulte un récit inégal sous forme de roman à clés. Plus intéressé par la mouvance du Printemps Républicain que par l'association elle-même, Bellanger met en scène, mais en leur donnant d'autres noms, des personnalités comme Raphaël Enthoven (le "don juan de la montagne Sainte-Geneviève "...), Caroline Fourest, Jean-Michel Blanquer ou encore Philippe Val, l'ancien patron de Charlie Hebdo, autour duquel l'auteur construit l'une des rares séquences savoureuses de son récit autour d'un dîner aux homards bien plus homérique encore que les agapes de François de Rugy,.

Autres comparses, Michel Onfray et Eric Zemmour fusionnés en un seul personnage, une sorte de philosophe du bocage qui se lance dans la course à l'Elysée. A ce propos, Emmanuel Macron apparaît lui aussi dans le livre sous les traits du "Chanoine" (de Latran), sauf que le jeu épuise ses attraits. Court-circuitant la nécessité de donner chair à ses personnages lorsqu'on veut faire roman, Bellanger les réduits à des abstractions de plus en plus dénuées d'intérêt. Cela rappelle un peu, sur un tout autre versant politique, les digressions mystico-littéraires de Michel Houellebecq dans Soumission

Tout aussi gênantes, les ambiguïtés d'un procédé dans lequel l'auteur semble reprendre à son compte les idées de ses personnages sans jamais trouver l'astuce stylistique qui permettait au lecteur de saisir une prise de distance. Le 3e degré permanent, c'est un métier. Les anti-LFI devraient en tout cas se régaler de voir Jean-Luc Mélenchon caractérisé à plusieurs reprises comme "l'ancien sénateur de Massy ". On sursaute davantage quand Bellanger, toujours en se mettant à la place des protagonistes de son roman, érige le communiste Ambroise Croizat parmi les "grands héros du capitalisme à la française ". De tout cela émanent les effluves désagréables d'une réelle faiblesse d'analyse politique. Sur ce point, les interventions de l'auteur dans les médias depuis la parution du livre n'ont pas vraiment rassuré.

Les derniers jours du Parti socialiste, Aurélien Bellanger (Le Seuil)