Les carapaces fêlées de Gene Hackman...

Ce caractère trempé, immuable, ces rôles de coriaces qui ne dissipaient jamais la formidable humanité de son jeu d'acteur... Gene Hackman (1930-2025) était un géant du cinéma américain.
Il avait beau se faire un peu voler la vedette par Al Pacino dans L'Epouvantail (1973), cet hymne sublime au vagabondage "made in America" signé Jerry Schatzberg, Gene Hackman n'en crevait pas moins l'écran. Le caractère rugueux de ses personnages, mais aussi pour beaucoup d'entre eux leur inaltérable humanité, faisaient un peu penser à Jack Nicholson même si Hackman a peut-être été davantage sous-estimé.
On ne l'avait à vrai dire pas vu vieillir, du moins dans un premier temps. De fait, c’est sur le tard, à seulement 34 ans, et après avoir tenté l’aventure des Marines, qu'il s’impose à l’écran sous la direction de Robert Rossen qui lui donne un petit rôle dans Lilith, en 1964. La gloire survient trois ans plus tard avec Bonnie and Clyde, d'Arthur Penn, où il campe le frangin de l'introverti Warren Beatty, offrant en dur-à-cuir plus fragile qu'il en a l'air un contrepoint parfait à l'interprétation de ce dernier.
La période fastueuse viendra dans les années 70, parallèlement à l'émergence du Nouvel Hollywood. Outre L'Epouvantail, Gene Hackman fait entrer le flic anti-drogue Popeye Doyle de French Connection (1971) dans la légende, et après William Friedkin, c'est Francis Ford Coppola qui lui donne un rôle d'anthologie dans Conversation secrète (1974) où il campe un espion mordu de sax sombrant dans la paranoïa. Résultat: une deuxième palme d'or cannoise pour un film dont Gene Hackman est l'acteur principal, un an après celle décernée au film de Schatzberg.
Les années 80 et 90 seront plus difficiles, malgré une performance bouleversante dans Une autre femme, de Woody Allen, où il donnait la réplique à Gena Rowlands, et Impitoyable, le western crépusculaire de Clint Eastwood qui lui vaudra de décrocher un deuxième Oscar. Carapace fêlée, héros à part entière ou incarnation du mal absolu... À défaut d'une aura romanesque ou d'une réelle plasticité de compositions ayant nourri la légende d'autres grands acteurs de sa génération, Gene Hackman aura pourtant su être formidablement intense et attachant, donnant le sentiment que c'est bien un géant du cinéma américain qui s'en est allé.
Gene Hackman ( 30 janvier 1930-26 février 2025)