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Le Passé

Le lundi 20 mai 2013, par Laurent Sapir

Ceux qui rêvent d'évasion, de grands espaces et de paillettes en cinémascope passeront évidemment leur chemin. "Le Passé", de l'Iranien Ashgar Farhadi, n'a en effet que pour seuls horizons un pressing, une pharmacie et un pavillon délabré du côté de Sevran. On peut rêver d'un cadre plus sexy pour une palme d'or (le film est en sélection à Cannes), tout en relevant que la densité et la construction du récit en font un moment bien plus appréciable que "Une Séparation" qui avait valu à son auteur des lauriers un peu trop marqués du sceau du politiquement correct du fait de son passé d'opposant au pays des Ayatollahs.

Il est pourtant à nouveau question d'une séparation dans "Le Passé", même si le divorce annoncé entre Bérénice Bejo et son ancien mari iranien patauge dans les eaux du non-dit et de qu'il semble encore rester de sentiment amoureux entre ces deux là... Elle a pourtant trouvé, semble-t-il, l'homme qu'il lui faut (Tahar Rahim, de très loin le meilleur acteur du film dans cette lassitude du corps qui ne se dissocie jamais vraiment de l'électricité du regard...) pour reconstruire sa vie sauf que ce dernier est déjà marié à une autre, plongée dans le coma à la suite d'une tentative de suicide.

La meilleure volonté du monde anime à peu près tous les personnages du film, y compris la jeune fille issue d'un précédent mariage qui ne résout pas à ce que sa mère refasse sa vie. Le fait est que cette bonne volonté n'est pas forcément synonyme de bonne action. Le divorcé iranien lui-même, tant désireux d'arbitrer à bon escient les tourments de familles recomposées qui lui sont offerts à foison, ne parvient qu'à rendre l'atmosphère encore plus irrespirable.

La mise en scène d'Ashgar Farhadi parvient en même temps à aérer cette compression des sentiments en filmant avec une sorte de regard neuf Paris et sa banlieue. Le style est fluide, captivant, ne serait-ce qu'à travers la très belle séquence du métro, porte des Lilas, entre Tahar Rahim et son gamin plus mature qu'il en a l'air. La dernière partie du film n'échappe pas, hélas, à un certain mécanisme qui n'est jamais très loin de l'artifice, comme en témoignent les multiples rebondissements quant aux raisons du suicide de l'épouse comateuse. Ces tiraillements de scénario sont d'autant moins opportuns qu'ils vont de pair avec un certain trouble sur la manière dont sont traités les personnages féminins, entre égoïsme et hystérie, alors même qu'Ashgar Farhadi s'affiche comme un cinéaste résolument progressiste.

"Le Passé", d'Ashgar Farhadi (Le film est sorti en salles le 17 mai)

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